(...) Tout art, dans son enfance, fait de l'enrichissement une nécessité. La nouveauté est alors critère, comme elle le deviendra aux époques blasées qui construisent dans la fièvre pour assouvir plus vite leur soif de détruire.
A l'orée de son âge classique, le cinéma découvre ses Anciens, non comme les reliques du monde charmant et désuet de l'orthochromatique et des images muettes, mais les archétypes d'une beauté qu'il sait maintenant éternelle et dont il se prétend à même de débrouiller les canons subtils. Est-ce donc si naïf ou si téméraire qu'il veuille à son tour, mais en pleine lucidité, bâtir dans le marbre, refusant ce titre d'« art du présent » qu'aux temps de son Moyen-Age, par un mouvement d'orgueilleuse bravade, il se plaisait à se décerner?
Vraisemblable, naturel, unité de lieu et d'action, profondeur psychologique, je gage que ces mots reviennent plus souvent qu'ils ne pensent sous la plume des critiques les plus acharnés à limiter jalousement son domaine à celui des reportages filmés et des histoires policières. Qui sait? Si l'un d'entre eux s'avisait de relire La Pratique du théâtre de l'abbé d'Aubignac, peut-être y trouverait-il la figure exacte de ses aspirations. Soyons les Boileau d'un art trop jeune pour redouter les La Harpe. Mais soyons-le sans crainte.
Que les esprits inquiets se rassurent. Au cinéma, le classicisme n'est pas par derrière, mais en avant.
Éric Rohmer, L'âge classique du cinéma, Combat, 15 de junho de 1949
(sobre O Raio Verde; sobre A Árvore, o Prefeito e a Mediateca)
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