sábado, 29 de maio de 2010

Riccardo Freda na Cinemateca Francesa, de 30 de junho a 1° de agosto. Programação, acompanhada de texto de apresentação de Jean-François Rauger, aqui.

Os filmes:

DON CESAR DE BAZAN
TOUTE LA VILLE CHANTE
L'AIGLE NOIR
LES MISERABLES - 1ERE PARTIE : CHASSE A L'HOMME
LES MISERABLES - 2EME PARTIE : TEMPETE SUR PARIS
L'EVADE DU BAGNE
LE CHEVALIER MYSTERIEUX
LE COMTE UGOLIN
LE FILS DE D'ARTAGNAN
TRAHISON
LA VENGEANCE DE L'AIGLE NOIR
LE PASSE D'UNE MERE
LA LEGGENDA DEL PIAVE
SPARTACUS
THEODORA, IMPERATRICE DE BYZANCE
DA QUI ALL'EREDITA
LE CHATEAU DES AMANTS MAUDITS
LES VAMPIRES
GUET-APENS A TANGER
SOUS LE SIGNE DE ROME
LA CHARGE DES COSAQUES
CALTIKI - LE MONSTRE IMMORTEL
LE GEANT DE THESSALIE
CHASSE A LA DROGUE
MACISTE A LA COUR DE KUBLAI KAHN (LE GEANT A LA COUR DE KUBLAI KAHN)
MACISTE EN ENFER
L'EFFROYABLE SECRET DU DR. HICHCOCK
SEPT EPEES POUR LE ROI
L'OR DES CESARS
LE SPECTRE DU PROFESSEUR HICHCOCK
L'AIGLE DE FLORENCE
ROMEO ET JULIETTE
LES DEUX ORPHELINES
COPLAN FX 18 CASSE TOUT
ROGER LA HONTE
COPLAN OUVRE LE FEU À MEXICO
QUAND L'HEURE DE LA VENGEANCE SONNERA
LIZ ET HELEN
L'IGUANE A LA LANGUE DE FEU
ESTRATTO DAGLI ARCHIVI SEGRETI DELLA POLIZIA DI UNA CAPITALE EUROPEA
MURDER OBSESSION
LA FILLE DE D'ARTAGNAN


Theodora, Beatrice Cenci, I vampiri, Agi Murad, Maciste all'inferno e os dois Hichcock em película.

Beatrice Cenci em película, porra.

Filhos da puta sortudos.

Riccardo Freda, l'aventurier magnifique

Dans l'après-guerre du cinéma italien, Riccardo Freda incarne l'alternative au néo-réalisme. Son oeuvre s'empare des mythologies antiques et des chefs-d'oeuvre de la littérature et de la peinture pour les mettre au service d'un cinéma feuilletonesque et populaire. Il a tourné des films de cape et d'épée, des épopées historiques, des péplums, des mélodrames, des longs métrages d'épouvante. Sa mise en scène toujours précise et logique parvient souvent à transcender et à transformer de triviales péripéties en tragédies d'une grande noblesse.

En dénonçant dans le cinéma italien d'avant 1945 le "goût et mauvais goût du décor, l'idolâtrie de la vedette, la puérile emphase du jeu, l'hypertrophie de la mise en scène" et bien d'autres choses, André Bazin dans un de ses célèbres textes parus dans Qu'est-ce que le cinéma ? usait surtout d'un moyen rhétorique pour saluer et mettre en valeur l'émergence d'une école italienne dont les qualités auraient précisément résidé dans le contraire des travers énoncés. Si le néo-réalisme italien a une importance historique, c'est d'abord parce qu'il aurait représenté une rupture avec cette emphase et ce pompiérisme. Un homme, pourtant, incarnera de façon exemplaire une autre manière de dépasser, tout en la maintenant, une tradition qui, malgré tout, plonge ses racines dans l'Histoire et la culture italienne. Riccardo Freda n'aura pas seulement été ce contempteur du néo–réalisme, voire du réalisme vu par lui comme une pure illusion en matière de cinéma. Il aura aussi renouvelé, rajeuni, revivifié, inventé parfois les grandes tendances de ce que sera une alternative à un mouvement lui-même très vite (à l'exception des films de Rossellini) corrompu par les exigences du commerce cinématographique.

Riccardo Freda est né à Alexandrie, en Egypte, en 1909. En 1914, son père, qui est banquier, installe son épouse, qu'il a quitté pour la soeur de celle-ci, et ses dix enfants dans une grande maison à Milan. Lui demeure en Egypte. Freda abandonne très vite des études de droit pour apprendre la sculpture. Il fréquente le petit monde artistique de Milan qu'il quitte en 1933 pour Rome. Le journaliste Luigi Freddi, que Mussolini a chargé de rédiger les statuts du Cinéma italien, l'engage à ses cotés. Freda travaillera au bureau de la propagande du ministère de la culture et collaborera à la création du fameux Centro Sperimentale tout en commençant à écrire des scénarios et des découpages, notamment pour Gennaro Righelli, Rafaelo Matarazzo ou Goffredo Alessandrini. C'est en 1942, en pleine guerre, qu'il réalise son premier film, Don Cesar de Bazan, adapté d'une pièce de Adolphe d'Ennery et Jean-Henri Dumanoir, variation sur le Ruy Blas de Victor Hugo avec Gino Cervi dans le rôle principal. S'il ne s'agit pas du titre le plus accompli du cinéaste, il est facile d'y voir, a posteriori, une forme de programme annonçant ce que sera le cinéma de Freda. Don Cesar de Bazan, c'est la transformation d'une oeuvre littéraire en épopée feuilletonesque, un traitement plastique influencée par la peinture et l'architecture, en l'occurrence Vélasquez (qui est d'ailleurs un des personnages du film) et le Piranèse, un récit où la conspiration et la vengeance jouent un rôle central. Tout et là. Déjà.

Le rejet du réalisme

Freda effectue, à la fin du conflit, une odyssée picaresque au cours de laquelle il rencontrera Benedetto Croce et Malaparte avant de travailler pour les services secrets américains en uniforme de lieutenant de l'US Army. De retour à Rome, alors que le Rome Ville ouverte de Rossellini éclate comme un coup de tonnerre qui bouleversera une certaine manière de faire du cinéma, Freda se déclare un opposant farouche à l'école du néo-réalisme. Son cinéma sera marqué par un recours systématique à des univers imaginaires et mythologiques. "Recréer m'intéresse, témoigner pas du tout" déclarera t-il cinquante ans plus tard. L'Aquila nera (L'Aigle noir), en 1946 est tiré d'une nouvelle de Pouchkine. C'est surtout l'histoire d'un justicier masqué et, encore, un récit de vengeance. Rapidité d'exécution, condensation des événements, érotisme et chevauchée cathartique finale composent un film qui remportera un énorme succès. Un an plus tard, son adaptation des Misérables transforme le roman de Victor Hugo en serial débridé sans pour autant en négliger les enjeux moraux, sociaux et métaphysiques. Là encore se déploie un art incroyable de l'ellipse, un lyrisme intense couplé à un sens inouï de la vitesse.

Freda va, dès lors, durant quatre décennies, incarner l'évolution même du cinéma populaire italien, une évolution qu'il va parfois anticiper en ressuscitant le péplum avec Spartaco (Spartacus) en 1952 et Teodora, imperatrice di Byzancio (Theodora, impératrice de Byzance) en 1954 et en inventant le fantastique transalpin avec I Vampiri (Les Vampires) en 1957. Il signera des mélodrames (Vedi Napoli et puoi muori-Le Passé d'une mère, La Leggenda del Piave, Les Deux Orphelines), des films historiques (Il Cavaliere misterioso, Le Sette spade del vendicatore-Sept Épées pour le roi, jusqu'à ce jovial adieu au genre que fut Il Magnifico aventuriero-L'Aigle de Florence), des péplums (Maciste all'inferno-Maciste en enfer, I Giganti di Thessalia-Les Géants de Thessalie), des bandes d'horreur gothique (L'Orribile segreto del Dr Hichcock-L'Effroyable Secret du professeur Hitchcock et Lo Spettro-Le Spectre du professeur Hitchcock), des films d'espionnage (les deux Coplan), un western (La Morte non conta i dollari-Quand sonnera l'heure de la vengeance) et des thrillers érotico-psychologiques (A Doppia faccia-Liz et Helen ou L'Iguana dalla lingua di fuoco-L'Iguane à la langue de feu).

Influences littéraires et picturales

Dans son article sur Agi Murad, il diavolo bianco, (La Charge des Cosaques), Fereydoun Hoveyda, dans le numéro 109 des Cahiers du cinéma, décrivait paradoxalement Riccardo Freda comme le spécialiste de la "superproduction de série B". Son cinéma, tout comme l'essentiel du cinéma du samedi soir transalpin, fut parfois, effectivement, une imitation, à petit budget, des genres hollywoodiens. Il a aussi ravivé des mythologies plus endogènes (le péplum). Il est marqué par une volonté de rivaliser avec le cinéma américain tout en se distinguant de celui-ci par les choix esthétiques que lui imposent ses conditions de production. Mais la question du genre est moins essentielle chez lui que la conscience d'un rapport à une matrice culturelle fondatrice, avec laquelle les liens sont forts, profonds, érudits, dénués de toute superficialité. On y trouve, entre autres, la mythologie antique, le roman du XIXe siècle ou la peinture du Quattrocento, le cinéma muet expressionniste aussi. Avec l'aide de ses scénaristes, Mario Monicelli, Steno, Filipo Sanjuste et d'autres, il a entrepris une relecture cinématographique de nombreux écrivains, de Pouchkine à Hugo en passant par Tolstoï, Casanova, Stendhal ou Dumas, dont il a réussi à la fois garder l'esprit et en faire en même temps une manière de divertissement populaire. Freda concentre également toute son attention sur la force plastique de ses films avec l'aide de chefs opérateurs dont certains figurent parmi les plus grands (Gabor Pogany, Mario Bava) qui retrouvent les contrastes du Caravage. Il prend des leçons de composition du cadre chez Veronèse, le Carpaccio ou le Tintoret. Le goût pour le mouvement, l'obligation de garder en éveil constant le spectateur amateur d'épopées, conjurent tout danger d'une picturalité uniquement décorative comme toute pesanteur "littéraire". Car Freda n'est pas seulement quelqu'un qui a "trivialisé" les mythes de la culture européenne, il a également ennobli la sous-culture des cinémas de quartier. C'est ce double mouvement qui pourrait qualifier parfaitement son oeuvre. Ses héros sont perpétuellement balancés entre une condition trop humaine et la surhumanité des "hommes forts", pas seulement ceux des péplums, de Spartacus à Maciste, mais également son Jean Valjean ou son tolstoïen Agi Murad, personnages où l'exigence souveraine de justice se double souvent d'une volonté implacable de vengeance.

Souveraineté de la mise en scène

À ceux qui contesteraient à Freda la qualité d'auteur, il serait certes facile d'opposer le fait que celui-ci a collaboré au scénario de plus de la moitié de ses films. Mais ce ne serait sans doute pas suffisant pour qu'il mérite cette qualification. Le complot, la vengeance, situations itérativement filmées par l'auteur de Sept Épées pour le roi sont moins des thèmes qu'une détermination souterraine de la vision du monde qui s'affirme véritablement dans l'écriture et le style. Rien d'étonnant, dès lors, à ce qu'une partie de la critique cinéphile qui s'est intéressée à lui soit composée de ceux qui hypostasiaient l'idée de mise en scène, seule qualité susceptible de transsubstantier un matériau échappant, a priori, à l'art. Car la quête des héros "frediens", leur volonté de puissance mise au service d'une exigence de rétribution se traduisent par des recadrages extrêmement précis et subtils, par la composition de plans captés par une caméra en légère contre-plongée, construisant un espace qui ne s'ouvre parfois que partiellement dans la profondeur du champ et qui introduit un dynamisme particulier du mouvement. Ces principes de filmage, mise en condition subliminale du spectateur, sensibilisent celui-ci, bien plus que toute théorie, à la l'irréconciliable dialectique qui se joue entre la fatalité, le caractère inéluctable des événements, et la liberté de l'homme car le cinéma de Freda relève, avant tout, d'une très ancienne tradition humaniste.

Jean-François Rauger

quarta-feira, 26 de maio de 2010

"Os críticos julgam as obras; o que não sabem é que são julgados por elas."

Jean Cocteau

Geometria espacial = geometria de destinos

Como em Lang, Mizoguchi, Brisseau, Carlito's Way.

sábado, 22 de maio de 2010

quinta-feira, 20 de maio de 2010

Se houvesse alguma beleza e alguma utilidade na ingrata função da crítica, seria a condição de despertar em outro, por uma forma de comunicação poética, o sentimento que uma obra suscitou em nós. Se necessário, falar-se-ia igualmente bem de outra coisa, de um nascer do sol sobre o Vésuvio ou da pelugem de um gato, para descrever um romance de Stendhal ou os quartetos de Beethoven. Eu veria, no fim das contas, algo como um poema deveras mallarmeano, onde as sonoridades sutis e a concomitância das palavras evocariam, acumulando em suas linguagens paralelas, a impressão global que sentimos diante de tal ou tal movimento da arte.

Chega de sonhar. Certos exercícios críticos por mim praticados uma vez trouxeram-me a convicção de que deveria se dizer tudo de um artista em quatro páginas, no pior dos casos. Uma só página é melhor. E ainda, talvez fosse mais conveniente nada dizer.

O saber não possui sentido fora de sua utilidade, imediata ou posterior: um saber inútil não é apenas inútil, mas também prejudicial, pois o esforço de adquiri-lo toma o lugar de um ato ou de um prazer. Creio que seja melhor libertinar ou observar a grama crescer no jardim de Luxemburgo que aprender coisas as quais não servirão a nada.

Entendo bem que exista um prazer do saber, e que o homem honesto descubra uma espécie de deleite complementar na análise de suas sensações ou na verificação de suas idéias. Mas isso se trata, portanto, de uma atividade diferente e quase sem relação com o meu desejo, que é de fazer descobrir. Falo aqui em termos de ação, de crítica dinâmica.

Além disso, embora eu reconheça o interesse relativo da crítica de consumação, não posso deixar de dizer que fico um pouco assustado pela abundância desta literatura, que hoje tende a substituir a outra, a verdadeira, e proliferar como uma vegetação parasita sobre uma criação cada vez mais anêmica. Quando uma obra necessita de um comentador para ser recebida, é claro que lhe falta precisamente o essencial: a encarnação da sua proposta na sua matéria.

É a obra em si, e não a sua explicação posterior, que deve criar o choque decisivo, determinar o sim ou o não. A análise se limita a confirmar o consumidor na sua aceitação ou rejeição, e se ela o abala, é em detrimento de sua sinceridade. Quanto a ensinar realmente, isso só pode se produzir em alguns casos raríssimos de jovens sensibilidades ainda informes mas bem nascidas. Isso, dirão, justifica a análise: eis porque a cometemos de tempos em tempos.

Bem. Ainda assim é necessário que ela seja breve, e mais síntese do que análise, para tentar recriar as condições afetivas do choque. Saber quantas vezes Balzac empregou o adjetivo "branco" na Comédie Humaine, e contribuir para se fazer a eletrônica e os cartões perfurados, parece retomar o sabor medieval das pseudo-ciências, outrora denunciado por Rabelais ou Molière. Desejam imitar os físicos na sua exploração infinitesimal da matéria, sem ver que os resultados destes implicam efeitos e usos, enquanto nenhuma dissecação literária poderia resultar em uma das duas únicas justificativas do empreendimento: um aumento na admiração por Balzac ou a posse das receitas de seu gênio. Da mesma forma, a explicação de um trabalho pelos temas e os temas de seus temas: fumaça, nada, tempo perdido. Ao invés de desvelar afoitamente as obras de outros, faça obras você mesmo, ou caçarolas de papel. Mas aqui tocamos a verdadeira razão da proliferação crítica: a impotência criativa da nossa época. Não se pode ao mesmo tempo falar e agir. Uma escolha se impõe. Escolhemos falar.

Falar por falar, escolhi contar uma história. E é uma bela história a vida de Cecil B. DeMille. Acredito sinceramente que ela é muito mais interessante que os julgamentos que eu poderia exercer sobre o seu trabalho. Além de quê é divertido contar uma história, mostrar que a vida de um homem tem começo, meio, fim, peripécias, tangências, raízes, um certo significado; muito mais divertido e verdadeiro que se esforçar em não contar uma história, como fazem os romancistas de hoje. Para isso, pontilhei abundantemente a autobiografia do cineasta, contentando-me na maioria das vezes em fixar-me aos eventos para melhor ilustrar suas relações.

Como era necessário, ainda assim, dizer algumas coisas sobre os seus filmes, pedi a Michel Marmin, autor de um excelente estudo sobre Raoul Walsh, para escrever uma introdução a esta arte simples e clara. Eu creio, e é um grande elogio, diga-se de passagem, que ele conseguiu não complicar nem obscurecer um trabalho que, de The Squaw Man a Os Dez Mandamentos, possui a força suficiente da evidência.

Finalmente, uma parte importante desta obra, composta de diversos documentos, textos de DeMille, testemunhos de seus colaboradores, notas de tomadas, matérias da imprensa, completará por tornar objetiva a imagem de DeMille que talvez será formada aos olhos do leitor, uma vez a leitura terminada. Quanto às idéias, é seguramente mais fecundo e saudável que cada um as encontre em si mesmos, enquanto vêem os filmes deste grande cineasta desconhecido.

Michel Mourlet, Note Liminaire, Cecil B. DeMille, Éditions Seghers, 1968, pp. 5-7.

Tradução: Bruno Andrade, Felipe Medeiros, Matheus Cartaxo Domingues.

Revisão: Sérgio Alpendre.

Against the Flow of Time: Michael Mann and Edward Hopper

quinta-feira, 13 de maio de 2010

S'il pouvait y avoir quelque beauté et quelque utilité dans l'ingrate fonction de la critique, ce serait à la condition d'éveiller en autrui, par une manière de communication poétique, le sentiment qu'une oeuvre a suscité en nous. A la limite, on parlerait aussi bien de tout autre chose, d'un lever de soleil sur le Vésuve ou de la fourrure d'un chat, pour décrire un roman de Stendhal ou les quatuors de Beethoven. Je verrais presque, en fin de compte, un poème assez mallarméen, où les sonorités subtiles et la concomitance des mots évoqueraient en l'accumulant dans leur langage parallèle l'impression globale que nous ressentons devant tel ou tel mouvement de l'art.

Cessons de rêver. Certains exercices critiques par moi pratiqués naguère m'ont apporté la conviction que l'on devrait tout dire d'un artiste en quatre pages, au pire des cas. Une seule page est mieux. Et encore, il serait peut-être plus convenable de ne rien dire.

Le savoir n'a de sens qu'en fonction de son utilité, immédiate ou lointaine: un savoir inutile n'est pas seulement inutile, mais nuisible, car l'effort de l'acquérir prend la place d'un acte ou d'un plaisir. Je tiens qu'il vaut mieux courir le guilledou ou regarder l'herbe pousser au jardin du Luxembourg que d'apprendre quelque chose qui ne servira de rien.

J'entends bien qu'il existe un plaisir du savoir, et que l'honnête homme trouve une sorte de délectation complémentaire dans l'analyse de ses sensations ou la vérification de ses idées. Mais il s'agit alors d'une activité différente et quasiment sans rapport avec mon dessein, qui est de faire découvrir. Je parle ici en termes d'action, de critique dynamique.

En outre, bien que je conçoive l'intérêt relatif de la critique de consommation, je ne puis faire que je ne sois un peu effrayé par l'abondance de cette littérature, qui tend de nos jours à remplacer l'autre, la vraie, et prolifère comme une végétation parasite sur une création de plus en plus exsangue. Lorsqu'une oeuvre a besoin d'un commentateur pour être reçue, il est clair qu'il lui manque quelque chose qui est précisément l'essentiel: l'incarnation de son propos dans sa matière.

C'est l'oeuvre elle-même, et non pas son explication ultérieure, qui doit créer le choc décisif, déterminer le oui ou le non. L'analyse se borne à confirmer le consommateur dans son acceptation ou son refus, et si elle l'ébranle, c'est au détriment de sa sincérité. Quant à enseigner vraiment, cela ne se peut produire que dans quelques cas rarissimes de jeunes sensibilités encore informes mais bien nées. Cela, dira-t-on, justifie l'analyse: c'est bien pourquoi l'on en commet de temps en temps.

Bien. Encore faut-il qu'elle soit brève, et plutôt synthèse qu'analyse, pour tenter de recréer les conditions affectives du choc. Savoir combien de fois Balzac emploie l'adjectif « blanc » dans la Comédie Humaine, et mettre à contribution pour ce faire l'électronique et les cartes perforées me paraît rejoindre le goût médiéval des pseudo-sciences, autrefois dénoncé par Rabelais ou par Molière. On veut imiter les physiciens dans leur exploration infinitésimale de la matière, sans voir que leurs découvertes entraînent des effets et des usages, alors que nulle dissection littéraire ne saurait aboutir à aucune des deux seules justifications de l'entreprise: un surcroît d'admiration pour Balzac ou la possession des recettes de son génie. De même l'explication d'une oeuvre par ses thèmes et les thèmes de ses thèmes: fumée, néant, temps perdu. Au lieu de décortiquer maniaquement les oeuvres des autres, faites plutôt des oeuvres vous-même, ou des cocottes en papier. Mais nous touchons ici à la véritable raison de la prolifération critique: l'impuissance créatrice de notre époque. On ne peut à la fois parler et agir. Un choix s'impose. Nous avons choisi de parler.

Parler pour parler, j'ai pris le parti de raconter une histoire. Et c'est une belle histoire que la vie de Cecil B. DeMille. Elle est même, je le pense très sincèrement, beaucoup plus intéressante que les jugements que je pourrais être amené à porter sur son oeuvre. Et puis, c'est amusant de raconter une histoire, de montrer que la vie d'un homme a un commencement, un milieu, une fin, des péripéties, des mobiles, des racines, un certain sens; c'est beaucoup plus amusant et vrai que de s'efforcer de ne pas raconter d'histoire, comme les romanciers d'aujourd'hui. A cet effet, j'ai abondamment puisé dans l'Autobiographie du cinéaste, me contentant le plus souvent de resserrer les événements pour mieux mettre en relief leur relation.

Comme il fallait bien, quand même, dire deux mots de ses films, j'ai demandé à Michel Marmin, auteur d'une excellente étude sur Raoul Walsh, d'écrire une introduction à cet art simple et clair. Je crois, et c'est un grand compliment, qu'il a réussi à ne pas compliquer ni obscurcir un travail qui, de The Squaw Man aux Dix Commandements, possède la force suffisante de l'évidence.

Enfin, une partie importante du présent ouvrage, composée de documents divers, textes de DeMille, témoignages de ses collaborateurs, extraits de découpages, dossier de presse, complétera de façon objectice l'image de DeMille qui se sera peut-être formée sur la rétine du lecteur, une fois la lecture achevée. Quant aux idées, il est assurément plus fécond et salubre pour chacun de les trouver en soi-même, en allant voir les films de ce grand cinéaste méconnu.

Michel Mourlet, Note Liminaire, Cecil B. DeMille, Éditions Seghers, 1968, pp. 5-7.

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