(...) Le mérite de Rossellini a été d'observer l'Inde de l'extérieur, de ne pas essayer (là aurait été l'artifice) de se fondre avec la mentalité indienne. Il a regardé l'Inde avec sympathie, mais une sympathie d'Occidental. Cela se reflète même dans une histoire aussi menue que celle du singe. Pour les Hindous, la doctrine de réincarnation prévoit pour chaque être vivant, après la mort, une succession variée d'existences. La doctrine s'applique aussi aux animaux. L'Occidental, lui, est plus sensible à la variété d'existences que chaque être traverse de son vivant même, variété qu'il appelle « aventure ». L'histoire du singe a peut-être été écrite pour illustrer la première conception. L'émotion qu'elle dispense, sur l'écran, se rattache indiscutablement à la seconde. Il y a même des années que Rossellini ne s'était trouvé aussi près du néoréalisme. « Le néoréalisme, disait-il, consiste à suivre un être, avec amour, dans toutes ses découvertes, toutes ses impressions. Il est un être tout petit au-dessous de quelque chose qui le domine et qui, d'un coup, le frappera effroyablement au moment précis où il se trouve librement dans le monde, sans s'attendre à quoi que ce soit. » Cette déclaration (1955), une fois enlevés le sentimentalisme et les mots inutiles, reste une bonne définition du cinéma tout court, néoréaliste ou non.
Jacques LOURCELLES
"Journal de 1966", Présence du Cinéma n. 24-25, outono 1967
quarta-feira, 22 de outubro de 2008
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