quinta-feira, 26 de abril de 2012

On peut être dérouté par le cinéma d'Ozu. Car en apparence, son langage est simple. Mais il contient en fait une grande spiritualité dont les signes ne sont pas forcément reconnaissables par les Occidentaux. Le langage formel d'Ozu comporte, ainsi, six éléments importants qu'il convient de décrypter. 

- La place de la caméra : La caméra est le plus souvent posée sur le sol car c'est la façon la plus habituelle au Japon de s'asseoir. Naturellement, l'objectif est dirigé vers le haut en visant le ciel (Ozu filme les plafonds bien avant Orson Welles). La caméra devient alors le lien entre la terre et le ciel captant à la fois une énergie tellurique et une énergie spirituelle. 

- Le cadre : L'élément principal est absolument centré à l'intérieur du cadre. L'image est souvent symétrique. Par exemple : un vide, un plein, un vide. C'est assez rare ailleurs dans le cinéma. Avec l'architecture, il aime aussi créer un cadre dans le cadre. Il utilise la perspective chinoise où toutes les lignes de l'image convergent vers le spectateur. S'y ajoute un élément repoussoir au premier plan de l'image : un tronc, un vase, une table basse… Il crée ainsi l'idée d'un espace en-dehors du cadre pour inciter le spectateur à se situer dans cet espace hors-champ, et en même temps il l'oblige à se concentrer sur ce qui se passe à l'intérieur de l'écran. 

- Le champ-contrechamp : C'est la figure de style par excellence utilisée par Ozu dans les rencontres où quelque chose qui paraissait très solide, comme le lien familial, se dissout. Ses champs-contrechamps sont le plus souvent obliques et non pas frontaux (type le plus classique en Occident, générateurs d'une grande tension). Quand ça se tend au niveau du discours, l'autre personnage entre dans le champ en amorce. 

- Le jeu des acteurs : C'est un jeu stylisé. Il crée un masque cinématographique. Le sourire est un sourire de convenance pour exprimer le moment juste avant la colère. Ce sourire est d'une extrême violence. 

- L'extérieur : Chez Ozu, les scènes d'extérieur sont rares, mais importantes. Il capte les forces d'énergie et de spiritualité universelle. Elles s'opposent à l'énergie humaine qui, elle, existe à l'intérieur de la maison. En filmant le mouvement de l'eau, les feuilles des arbres, Ozu rappelle que malgré son apparence changeante, la nature est durable car cyclique. 

- Les plans sans personnages : La nature morte est une expression picturale occidentale. Chez Ozu, les plans sans personnages permettent de situer l'action, mais ils sont aussi l'image de quelque chose de solide en contrepoint à la fragilité de la vie. 

Eugène Green, Cinemateca Francesa, 2004

segunda-feira, 23 de abril de 2012

quinta-feira, 5 de abril de 2012

JEAN-LUC GODARD on Rob Tregenza's TALKING TO STRANGERS

In the Dialogues section of the 1996 Toronto International Film Festival Jean-Luc Godard was asked to write about a film as part of the "Talking With Pictures" section. He selected TALKING TO STRANGERS and Norman McLaren's BLINKITY BLANK.


If the 'Cahiers' still existed, and I did too, this is what I would say about Rob Tregenza's first film, composed, we all know, of nine scenes, each made up of one shot ('plan sequences'). Four of these scenes are remarkable and at times astonishing, that is, softly and strongly imbued with the marvelous: The Streets-- the Bank-- The Priest-- The Water Taxi. One of the scenes The Photographer is rather interesting. The rest less so.

"Well so what? cries the gentle reader. 'Why these mores and lesses?' Because they are the source of the fascination of this wonderful, half-sucesssful film--remember , reader, that in its time we praised Becker's film on Modigliani precisely for its failures. Because here reality walks hand-in-hand with fiction. The great Levi-Strauss would say: the elementary structures of kinship between fiction and reality. And I would add that fiction, the slut, trips up reality as soon as reality wants to posess her.

Theirs is not a heterosexual marriage. Reality and fiction are man and woman at the same time, and each reproaches the other for what she or he is, not for being what he or she is not. And this film only could be made in America, which --as we have known since Giraudoux-- sees an enemy in only that which it resembles-- in its failings. There is a great tradition in solitary America of being in love with reality, from Thoreau through MAN OF ARAN and FACES. And Rob Tregenza belongs to that tradition-- that of speaking and listening to our daily reality. Not simply of loving life-- not the candid camera, no, a reflective camera.

The third scene -The Bank- is in this respect an absolute model that all so-called film schools should show to all their so-called students, to let them see how the horror of invented fiction is redeemed by the grace of an offered reality. The camera continuously gives back what it is taking. Tregenza's two hands like the Samaritan's- taking and offering in a sort of operation by which haughty fiction is redeemed by the humble poverty of looking and hearing- Oh my Jane Campion, why did you let them drop the piano on you? And that the last -The Art- is a total failure- even more so that the proceeding two -The Bus and The Woman- because in them fiction is divorced from reality and is no longer needing the visible, and above all having to play the whore by tugging at our heart strings like a..., or a....

Or instead, we ask the only blind filmmaker, Norman McLaren, to shoot BLINKITY BLANK, and like all wonderful films, it will be the most wonderful of films.



Jean-Luc Godard 1996

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