CINECINEMA CLASSIC, 16 h 30
Par Louis SKORECKI
Entre Cecil B. DeMille et moi, il y a un pacte d'amour. Comme avec Lang, Dwan, Walsh. Je ne crois pas à la fiction d'un DeMille pyrotechnicien ou régisseur de spectacles filmés. Ni ses péplums, ni ses mélos historiques, ni ses délires bibliques ne relèvent du show-biz. C'est un moraliste, un primitif griffithien, un point c'est tout. Remonter à DeMille, c'est remonter à la source du cinéma, ce Nil naïf dont on a perdu la trace depuis longtemps. Erudition racée, sens inné du cinéma frontal et populaire (mais jamais populiste), longue fréquentation de la grande déception monochrome, celle qui fait le charme de l'art d'usine hollywoodien hélas enfui.
Tu parles de moi ?, dit une petite voix. Qui êtes-vous ?, je dis. Je suis DeMille, dit la voix. Moi, c'est Skorecki, je réponds. Et votre petit nom ?, demande Cecil. Louis, je dis. Que pensez-vous d'Union Pacific? C'est du niveau de votre meilleur film, l'Odyssée du docteur Wassell, je dis. Je pense qu'entre 1936 (Une aventure de Buffalo Bill) et 1946 (Unconquered), vous avez fait vos meilleurs films. De quand date Union Pacific?, dit DeMille, j'ai oublié. 1939, je réponds; et avec Joel McCrea, l'un de mes acteurs préférés. Je l'aime moi aussi, dit DeMille. Je l'avais d'ailleurs dirigé dès 1929, dans Dynamite. Saviez-vous que Joel McCrea avait tourné avec Allan Dwan, Raoul Walsh, Howard Hawks, Edward Ludwig, Preston Sturges, Jacques Tourneur ?, je dis. Pas mal, répond DeMille.
segunda-feira, 31 de agosto de 2015
Union Pacific
sábado, 22 de agosto de 2015
New York 1997. Ciné Cinémas I, 20h30.
15/09/1999 à 00h43
SKORECKI Louis
Dans un ciné-monde où le décoratif tient le plus souvent lieu de sujet, que faire de ces cinéastes ultra-maniéristes, John Carpenter aujourd'hui, Paul Verhoeven mercredi prochain, qui vont encore plus loin en faisant du décor une obsession, un thème, presque une mythologie? Dans New York 1997 comme dans la plupart de ses navets séduisants, Carpenter revient sur le passé du cinéma hollywoodien à la manière de quelques-uns de ses grands aînés pasticheurs, Sergio Leone ou Clint Eastwood pour prendre les plus visibles. Revisiter les grandes peurs de l'Amérique (the Thing), comme ses plus belles légendes (Elvis, the Movie), cela fait toujours son effet à condition de ne pas en abuser, précisément, des effets, ces poses ripolinées dont Carpenter ne se prive pas. Si New York 1997 se regarde pourtant avec plaisir, c'est qu'il prend ouvertement son pied à singer Jack Arnold ou Roger Corman, en faisant comme si la série B existait toujours. Ce sens du remake ringard, de l'emphase revendiquée, passent ici par quelques-unes des plus belles gueules de la culture déviante contemporaine (Harry Dean Stanton, Donald Pleasence, Isaac Hayes), emmenées par l'acteur caméléon/fétiche de John Carpenter, Kurt Russell, impeccable en outlaw borgne, viré héros aldrichien. Futurisme glauque, polar-péplum, suspense archaïque, tout respire le mélange des genres, pour le meilleur et pour le pire. La recette de Carpenter s'écoute plus encore dans les musiques qu'il bricole qu'elle ne se voit dans sa mise en scène. Rock minimal, vaguement répétitif, vaguement électronique, à l'image d'un art du maquillage volontairement pauvre, comme une version disco des westerns de Howard Hawks, un sampling optique de quelques thrillers speedés de Don Siegel, une approximation baveuse des plus beaux Huston. Dans le meilleur cas (Invasion Los Angeles), il peut même rendre crédible, l'espace de quelques séquences joliment paranoïaques, filmées à la six-quatre-deux avec trois fois rien, l'hypothèse siegelienne d'une vampirisation de la population par des body snatchers à la solde de la pire société de surveillance et de consommation.