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domingo, 8 de dezembro de 2013

quinta-feira, 9 de maio de 2013

quinta-feira, 29 de março de 2012

Mizoguchi Kenji
par Jean Douchet

La vie de Mizoguchi Kenji (on sait que les Japonais mettent les prénoms après les noms) fut digne de son oeuvre.

Il naquit le 16 Mai 1898 à Tokyo. Son père petit industriel maladroit en affaires, fut ruiné après la crise économique qui secoua le Japon a la fin de la guerre russo-japonaise.

Contraint de déménager, Mizoguchi et sa famille allèrent habiter dans un taudis situé dans un quartier peuplé de petits théâtres. Si notre futur cinéaste se révéla un piètre écolier il manifesta en revanche la plus extrême attirance pour le monde du spectacle qui l’environnait.

La situation financière de la famille étant loin de s’améliorer Kenji entre comme apprenti chez un dessinateur sur tissus de coton. “Ce que je voulais c’était devenir peintre, un vrai peintre, et j’allais fréquenter Aoibashi (le Pont bleu) à Tameike”.

A 19 ans, iI quitte Tokyo pour le grand port de Kobé. Il a trouvé, en effet, une place de dessinateur publicitaire dans un journal de la ville.

En 1917, le Japon qui, sans y participer réellement, est en guerre aux côtés des alliés, connaît une période de grande prospérité économique : tout le marché asiatique plus ou moins délaissé par les Anglo-français, leur appartient. Mais dans le même temps les classes pauvres connaissent une extrême misère. Les prix montent mais les salaires restent bloqués pour cause de guerre.’ De même sont interdits les grèves, les syndicats, etc.

Or Kobé, parce que le port le plus actif du Japon ouvert sur le monde extérieur, est la ville qui réagit le plus immédiatement à la révolution russe. Mizoguchi participe à une révolte appelée ”l’émeute du riz”. Il est arrêté par la police, roué de coups, incarcéré.

Né pauvre, ayant toujours vécu comme un pauvre, Mizoguchi croit moins en la politique qu’en la bonté humaine. Il a rejoint le mouvement de Kagawa Toychiko un protestant qui est un véritable saint.

Après la guerre, la crise revient. Les occidentaux reprennent tous les marchés économiques. On débauche partout. Chômeur, Mizoguchi rentre à Tokyo.

C’est là qu’il entrevoit par le biais d’un acteur de cinéma la possibilité de travailler dans le nouvel art. En 1921 il est engagé officiellement comme assistant metteur en scène. Commence alors une carrière qui comprendra près de cent films en trente deux ans.

Tous les témoignages sur Mizoguchi le montrent comme un homme d’une extrême exigence ne demandant pas seulement le maximum à ses collaborateurs mais plus que le maximum.

C’est ainsi qu’il laissait entièrement ses scénaristes comme ses acteurs sans aucune directive. Il fallait que ce soient eux qui lui apportent les idées, Mizoguchi se contentant de ne garder que celles qui lui agréaient.

Lorsque son scénariste favori Yoda Yoshikata lui apportait son script, Mizoguchi se contentait de le Iire. Puis il le lui rendait en le refusant. Comme l’autre cherchait à savoir ce qui n’allait pas, le cinéaste répondait : vous êtes le scénariste, je ne suis que le metteur en scène, c’est à vous de trouver. Et Yoda recommençait jusqu’à quinze fois son scénario.

* * *

Mizoguchi Kenji est au cinéma ce que J.-S. Bach est à la musique, Cervantès à la littérature, Shakespeare au théâtre, Titien à la peinture : le plus grand.

Cela signifie que, plus que tout autre, ce cinéaste a pénétré le secret de son art et par conséquent le mystère de la vie. Pour un artiste la compréhension intime de l’art, de l’homme et de l’univers ne font qu’un. En effet, plus le style d’un créateur adhère à la nature profonde de son art plus la pensée qu’il contient est riche et universelle.

Mizoguchi nous renvoie donc à la question : qu’est-ce que le cinéma ? Question insoluble non seulement en fonction de la place qui nous est impartie mais en soi (aucun art ne peut se figer dans le cadre rigide de théories, de lois et de règles). Mais question pourtant abordable. Certaines caractéristiques spécifiques, des constantes ou plus précisément des lignes de force essentielles permettent de discerner quelques uns des principes d’un art. Ainsi pour le cinéma du rapport apparence-réalité.

La caméra capte, en effet, à travers son objectif la réalité qu’elle enregistre. Mais c’est pour la renvoyer sur l’écran - par le phénomène de la projection - sous l’aspect de la pure et seule apparence. Ainsi la chose vraie, existence réelle a l’origine, se voit, par le seul processus de la technique cinématographique réduite à l’état de pure apparence, fiction, fantasme. Le monde objectif de la réalité et le monde subjectif du mental se trouvent inextricablement liés dans un conflit qui devient le sujet véritable des grands cinéastes.

A la différence des autres qui suivent les péripéties de ce duel en passant constamment de l’apparence à la réalité et établissent ainsi le mouvement secret et interne de leur film, Mizoguchi installe ce conflit au cœur même non seulement de sa mise en scène mais de chacun de ses plans. Chaque image, chez lui, est immédiatement double. A la fois le constat dans sa vérité documentaire du monde extérieur, dur, cruel, contraignant et le reflet du monde intérieur c’est-à-dire du retentissement affectif, du sentiment douloureux qu’éprouvent les personnages victimes de cette réalité qui les torture sans relâche. Dès lors, la durée de ce plan est fonction du mouvement subtil qui s’établit entre ces deux mondes, l’un - le monde objectif - cherchant toujours à imposer sa loi rigide et à détruire toute vie affective et spirituelle; l’autre - le monde subjectif - désirant au contraire préserver la qualité interne de la vie intérieure et plus encore transformer la réalité en un univers idéal, rêvé, irréel. Mouvement incessant qui se poursuit de plan en plan jusqu’à la victoire finale - et là encore apparente car tant que la vie continue le conflit ne peut avoir de cesse - de l’un ou l’autre camp.

Ceci se traduit esthétiquement par le conflit entre la beauté sensible, immédiate, évidente - beauté picturale - de chaque image chez Mizoguchi et la réalité qu’elle révèle très souvent atroce, impitoyable, infernale. C’est pourquoi plus l’image sera belle et semblera échapper par sa magnificence à l’emprise du monde objectif, plus cette beauté masquera la présence de celle-ci plus contraignante que jamais.

Ainsi dans l’Intendant Sansho le moment où la mère suivie de ses deux jeunes enfants et de sa servante s’avance dans la mer mouvante des joncs près du lac. Nous ne pouvons nous empêcher d’admirer une vue aussi splendide. Mais la mère qui pressent combien cette beauté cache de dangers se récrie alors que ce lieu est horrible ». Ainsi dans l’Impératrice Yang Kwei Fei, l’Empereur inconsolable de la mort de sa première femme se perd dans la contemplation d’un jardin merveilleux en écoutant de la musique.

Ce faisant il ignore la présence de Yang Kwei Fei qui sera pour lui source de vie et qui seule peut le sauver de la réalité du monde mort et stérile du souvenir affectif que la splendeur de ce décor a pour mission d’entretenir douloureusement. Ainsi encore dans les Contes de la Lune Vague après la Pluie, la perdition du potier dans le monde de la pure apparence, de la beauté formelle, monde fantomatique qui n’est qu’une aspiration de l’âme et de l’esprit mais qui se dissipant plongera le potier dans une réalité plus terrible qu’avant, etc, etc. Il n’y a pas un film de Mizoguchi où l’on ne puisse relever de tels exemples.

C’est que la pure beauté comble l’aspiration suprême de tous les personnages mizoguchiens et leur apparaît comme l’ultime refuge, et plus encore comme la seule véritable réalité, celle du monde du rêve et de l’affectivité, alors que la réalité objective se révèle n’être alors qu’une apparence : la vie même devient un songe. D’où le danger d’une telle attitude qui mène fatalement à la mort, et qui fait que la beauté plastique chez Mizoguchi est signe de mort. Aussi comprend-t-on mieux pourquoi toutes les morts chez ce cinéaste sont si douces, sublimes mais aussi terrifiantes. Ainsi la mort de l’Impératrice Yang Kwei Fei qui abandonne successivement tous ses atours, quitte ainsi le monde des apparences - celui de la vie - pour pénétrer dans le monde de la réalité durable : celui des sentiments éternels. Ainsi la mort d’Anju dans l’Intendant Sansho, celle de Madame Yuki, celle du père dans le Héros Sacrilege, etc.

Inversement les personnages qui désirent s’installer dans le monde de la pure beauté alors qu’ils sont encore en vie se voient justement condamner à perdre la réalité profonde du monde mental. La mort spirituelle et émotive s’installe en eux, les condamnant à vivre une vie errante et misérable, ou à des réveils douloureux. Nous l’avons déjà vu pour le potier des Contes de la Lune Vague. Souvenons-nous encore de la dernière scène du Héros sacrilège. Le héros aperçoit dans un pré sa mère entourée de danseuses amusant le seigneur, chef de la caste aristocratique. La beauté de cette scène porte sur ces personnages, leur condamnation. Ils ne sont plus que des morts en sursis, que des pures apparences. Ou encore le tout dernier plan de la Rue de la Honte. La très jeune fille envoyée comme servante dans la maison close est transformée, par la tenancière, en prostituée. On la farde donc. On masque sa beauté naturelle et simple sous celle des apparences. C’est sa propre mort morale, affective, spirituelle qu’elle appelle en faisant signe à l’horrible réalité qui l’environne.

Dans le combat sans fin que le personnage mizoguchien doit livrer au monde objectif pour imposer sa personnalité, c’est-à-dire son rêve, il n’y a de place que pour l’affrontement sans trêve. C’est finalement contre la beauté même que le héros doit se révolter car elle est le piège fatal. Alors la réalité extérieure attaquée de front Iivre son misérable secret : elle n’est que pure apparence qui recule épouvantée face à la force de l’esprit de vérité. Les palanquins sacrés, porteurs de miroirs dignes de ne fasciner que des alouettes, s’enfuient et s’évanouissent sous la flèche lancée par le Héros Sacrilège.

Le conflit apparence-réalité nous le retrouvons, spectateur, en nous-même. Chaque plan de Mizoguchi - puisque nous sommes au cinéma - est la seule réalité qui importe pour nous pendant la durée du spectacle. Il éveille en conséquence en notre conscience sensible, et ce dès son apparition sur l’écran, un sentiment de crainte, de tendresse, d’effroi, d’amour, etc. C’est ce sentiment que le plan, par sa durée fait évoluer en nous. Par contre-coup cette évolution intérieure agira sur la réalité du plan pour le forcer à évoluer lui-même selon le mouvement secret de nos désirs et de nos craintes. Par exemple, dans le Héros Sacrilège, le héros annonce ses fiançailles avec l’élue de son cœur. Aussitôt nous assistons à une fête populaire, sorte de procession de danseurs. Mais cet état de joie que cette vue provoque en nous est troublé par la menace que nous sentons peser obscurément sur ce bonheur étant donné que nous connaissons les dangers qui planent sur le héros. Aussitôt l’ordonnance de la fête est troublée par l’intervention des moines soldats qui provoquent une bagarre et sèment le tumulte.

C’est pourquoi un film de Mizoguchi n’est qu’une succession de moments purement affectifs qui se transforment selon les impressions que la vue du spectacle éveille en nous. Et c’est ce qui explique pourquoi une oeuvre de cet auteur est si touchante et prenante à une première vision mais si difficilement analysable. Nous sommes pris au piège de l’apparence de la réalité du spectacle, c’est-à-dire au monde de l’affectivité, qui est à la fois celui de l’illusion et de la réalité profonde selon l’emploi que nous en faisons. Pour saisir la vérité de cette réalité du spectacle il est nécessaire de nous détacher de sa beauté formelle, d’examiner l’intensité de nos impressions et les confronter à la réalité objective de la mise en scène. Nous pénétrons ainsi par le monde de la pure sensibilité dans l’univers de la pure intelligence. Alors nous atteignons à la connaissance totale qui est le but recherché par Mizoguchi, qui est la fin du cinéma, la raison même de l’homme face à l’univers.

quarta-feira, 23 de fevereiro de 2011

LA SPLENDEUR DU VRAI

par Philippe Demonsablon

La sortie d'un film de Mizoguchi, déjà ancien de surcroît, peut paraître un événement un peu mince pour justifier la publication des textes qui suivent. N'avons-nous pas eu plusieur fois, au cours des cinq dernières années, l'occasion d'exprimer notre admiration à l'égard du metteur en scène japonais, et de la voir grandir quand, trop rarement à notre gré, nous découvrions de lui une oeuvre nouvelle? A ceux d'entre nous qui n'avaient pu assister aux festivals, auxquels ses films participèrent régulièrement depuis 1952, une rétrospective de la Cinémathèque permit enfin de prendre la juste mesure d'un talent que l'on savait très grand. « Mizoguchi commence », écrivions-nous alors. Dans notre liste des « douze meilleurs films de tous les temps », Les Contes de la lune vague figurent en bonne place, et l'auteur de ces lignes n'a pas craint de leur assigner la première.

Mizoguchi commence: tout au moins dépend-il, pour le faire, du bon vouloir d'un distributeur. Trop de ses films restent encore inédits, trop même dont existent en France des copies sous-titrées depuis plusieurs années. Si l'universalité du génie est moins de s'appliquer à tout que de s'adresser à tous, alors nous avons affaire, ici, à l'oeuvre d'un génie universel. Sa voix mérite de trouver d'autre audience que celle des spécialistes, et ses accents, qui n'intéressent pas seulement le public cultivé, mais plus simplement parlent à l'homme de la plus haute idée de l'homme.

Un panoramique sur un paysage de champs et de montagnes, la brève surimpression d'un lac ensoleillé, et le panoramique continue sur un hameau, s'arrête, en plan général, sur un couple de paysans affairés au chargement d'une charrette. N'aurions-nous jamais vu d'hommes? La seule apparition de cet homme et de cette femme occupés aux gestes les plus ordinaires suffit à nous emplir d'une émotion qui ne doit rien au drame et tout à l'illumination. Dès la première minute des Contes de la lune vague, voici donc deux anonymes, deux acteurs qui ne seront peut-être que des comparses, et d'instinct nous comprenons que nous avions auparavant pu connaître des humains, mais pas encore vu l'homme avec cette intensité.

Cette force aveuglante dont Mizoguchi partage le privilège avec de très rares cinéastes réduit aux dimensions du pittoresque tant de films vantés, comme Paestum, et pour les mêmes raisons, relègue dans le décoratif tant de monuments célèbres. Quelle part en effet peut revendiquer la psychologie, quand le moindre geste renvoie à l'homme à travers l'individu, quelle part l'anecdote ou l'accident, lorsque coïncident aussi étroitement l'ampleur qui fait l'exemplaire et la précision qui fait le particulier? Entre la fadeur du romancier qui trop souvent ne sait nous séduire que par ce que ses créatures ont de plus singulier, et la sécheresse du moraliste, par ce qu'elles ont de plus général, Mizoguchi emprunte la voie royale du poète, où la vertu contemplative suppléant le va-et-vient dialectique fonde sur l'éclat des singularités la splendeur même du type et les fond l'une dans l'autre. Chacun des actes et des événements trouve ici une résonance universelle. Lorsque les bandes de soldats surgissent dans le village, nous ne voyons pas seulement un groupe de paysans en proie à la guerre, ni une représentation didactique de la guerre, mais, par un raccourci dont l'invention étonne, la figure même de toutes les guerres. Les gestes du travail, de la tendresse, de la peur et de la vanité, de la pudeur et de la noblesse, de la langueur et de l'apaisement composent devant nous la figure de l'humaine destinée. Seuls les amateurs d'exotisme peuvent s'y trouver déconcertés, ne rencontrant qu'eux-mêmes où ils voulaient le dépaysement.

Ainsi Mizoguchi nous parle des choses les plus simples et les plus familières: la vie, la mort aussi, car il n'est pas d'art de vivre où n'entre la pensée de la mort. Et il a la délicatesse d'en parler familièrement, sans pompe et sans apprêt. C'est le plus naturellement du monde qu'il fait venir à nous les choses, comme d'elles-mêmes: ce secret retrouvé des maîtres livres, nous pouvons le lire dans chaque image de ses films et ce n'est pas la moindre raison pour laquelle Les Contes de la lune vague font penser à l'Odyssée. Dans l'un et l'autre chef-d'oeuvre, une civilisation fière de son raffinement s'attarde à noter le poli d'une surface, la texture d'un tissu, le goût d'une boisson - mais toujours pour nous renvoyer à l'homme. Quel que soit le luxe du décor ou l'intensité du drame, l'haleine vient y dire la température de l'air ou le timbre de sa voix, sa densité.

Mais il y a plus: oeuvre à hauteur d'homme, c'est l'homme idéal dont ces Contes dessinent la figure, sur le schéma éternel de l'itinéraire. Cette vie employée à découvrir un art de vivre, combien de fables ne nous ont-elles pas invité à en suivre le cheminement, dont le détail importe moins que le terme, puisqu'il s'agit seulement de traverser les apparences et, plein d'usage et raison, de savoir-vivre selon la vérité. Ainsi fait le potier modelant le même vase pour l'amener à plus de perfection, ainsi Mizoguchi lui-même redisant la même histoire, modestement (« ce n'est là qu'une distraction: mais ce sont mes enfants, et je les aime »), mais la seule histoire qui compte, celle qu'ont dite aussi Murnau et Rossellini, de l'homme parvenant à l'acquiescement et, par lui, à l'unité. Modestement: que d'elle-même l'impératrice Yang Kwei Fei se rende à son supplice, qu'au leur soient conduits, sereins, les amants célébrés par Chikamatsu, qu'une vieille mendiante à la voix cassée chante auprès du palais de son fils, tout cela ne va-t-il pas de soi et pourquoi y ajouter l'émotion que les protagonistes ont mis leur étude à maîtriser? « Miyagi, pourquoi es-tu morte? » interroge le potier moins chanceux qu'Ulysse après son long voyage. Mais la question posée porte en soi sa réponse, si la mort n'est qu'un passage: ici, l'argile rouge du Cimetière marin est celle-là même que façonne le potier, celle que labourent les paysans au milieu des tombeaux...

Acquiescement, réconciliation: tout dans l'oeuvre de Mizoguchi, et particulièrement dans ce film-somme que sont les Contes de la lune vague, nous parle de l'unité. Oui, l'accumulation de leurs aventures nous fait prendre aux personnages d'autre intérêt que de compassion. Et si fable il y a, même profuse, ce n'est pas vers l'absurde répétition du mouvement perpétuel qu'elle oriente nos pensées. Le mouvement tend à sa propre extinction, s'ordonnant autour de l'idée d'un équilibre qui peut échapper au mouvement au lieu qu'être fondé sur lui: s'attacher à cela qui demeure, c'est sortir aussi de l'enfer dialectique. Et certes, il est tentant de discerner le reflet des philosophes grecs dans ce qui porte manifestement l'empreinte de la pensée boudhique; est-ce là Parménide mis en scène ou plutôt le sermon de Bénarès? Qu'importe si la mise en scène prête à l'un et l'autre un lustre nouveau: la pensée nourrit l'artiste, mais il le lui rend bien. Si les films de Bergman sont avant tout méditation sur l'homme et ceux de Preminger avant tout méditation sur la mise en scène, les films de Mizoguchi sont méditation sur l'homme, posée en termes de mise en scène. Qu'est-ce que l'homme? Mais aussi, qu'est-ce que la mise en scène? Ici les deux questions nous apparaissent si indissolublement liées que répondre à l'une est aussi répondre à l'autre. Pas un plan des Contes de la lune vague ne dément la beauté de l'ouverture, pas un n'est inférieur à l'ambition qui s'y lit: parvenir par les mouvements les plus concertés à effacer l'artifice par la splendeur du vrai. Car cet art raffiné ne raffine jamais sur ses propres prestiges, évitant ainsi les pièges grossiers de la préciosité. Au nombre il oppose la qualité, au rythme l'harmonie. Un seul propos définit sa recherche; rendre une note si pure et soutenue que la plus infime variation en devienne expressive. Un art, disait Jacques Rivette, de la modulation.

Philippe DEMONSABLON.

Cahiers du Cinéma nº 95, maio 1959, p. 1-3

domingo, 13 de junho de 2010

CAHIERS: And Mizoguchi’s films, don’t you think that they deal directly with politics?

YOSHIDA: Mizoguchi is considered as a “réaliste à la japonaise,” a realist who depicts things such as they are. This is of course a very vague definition, which I will try to make clear by means of an example: if one wants to speak of the past, one cannot help but interpret it from the point of view of the present. The directors of Mizoguchi’s and Kurosawa’s generation were always at risk of falling into the trap of humanism, a trap Mizoguchi knew well. For example, he deals often, in his films, with prostitutes. For us, we considered them to be “alienated” by society, but Mizoguchi preferred at the same time to talk of the pleasure that such a woman might experience, and in this he came to the very brink of the problem. The best of Mizoguchi’s works from this perspective is The Sisters of the Gion (the 1936 version) – this is an absolutely anti-humanist film.

CAHIERS: But for example, in The 47 Ronin, doesn’t Mizoguchi reject the specific political meaning that would have been attached to the story at this time [i.e. this film was made during the war – Trans.], in order to give it a completely different one?

YOSHIDA: It’s a long time since I saw this film, and I only have a vague memory of it. Nevertheless, I think that your point is well taken: Mizoguchi is a filmmaker who appears to have turned his back on political issues, whereas in reality he wanted to go beyond them. According to him, politics is only one of the elements that make up a particular period, and what he sought was to get to the very bottom of the situation. But our situation is more complex than that of his time; even if one wanted to take the same attitude, it wouldn’t be possible to get to the bottom of things. In his time there was a very clear distinction between oppressor and oppressed, between power and the people. Thus, Mizoguchi’s mode of realism was completely effective. He was perfect, but this wouldn’t be the case for our time.

CAHIERS: And Mizoguchi’s final films, such as New Tales of the Taira Clan – don’t you think that they are more expressly, more openly political?

YOSHIDA: When it comes to this film, as with many others by Mizoguchi, the reaction of Japanese and French viewers has been different: perhaps your judgment is better due to your greater cultural distance. Nevertheless, I find that – in contrast to Ugetsu and Street of Shame, which are quite beautiful – Mizoguchi’s two color films (The Empress Yang-Kwei-Fei and New Tales of the Taira Clan) are “costume-plays.” It seemed to me that in those films Mizoguchi lost his dynamism, his “transparent” realism. (He found his energy again, however, with Street of Shame.) Maybe the evolution of his films corresponded to the evolution of the situation in Japan.

I’d like to add something here, in order to draw sharper distinctions among the three best-known filmmakers of the older generation, Mizoguchi, Ozu, and Kurosawa. Specifically, in order to try to define their various successes as “realists.”

Ozu, from the start, dealt in his films with the condition of the Japanese family, of the Japanese citizen. Right after the war, the family-system was in crisis. Japanese had a profound attachment to the family, and Ozu’s films, which depicted a vanishing family life, were very effective, they were profoundly realist. But once peace was established, he felt obliged to deal with young people who leave their families, and all of these young characters were very banal: this is how he lost his realism.

I’ve already spoken of Kurosawa, of his stoicism. His realism could easily accommodate itself with the intentions of the Japanese establishment and power structure [du Pouvoir au Japon]; the stoic man is precisely what this power establishment was seeking. In this sense, his films are quite dangerous.

As for Mizoguchi, his starting point was always “pathos” – an abstract emotion – in order to arrive at the perfection of his realism. Mizoguchi’s realism is perhaps the one that might outlast the other two. It appears not to have any interest in the current social situation, and instead concerns itself stubbornly with individual passions. But behind this appearance, one might be able to detect a political critique of society.


Yoshishige Yoshida entrevistado por Pascal Bonitzer e Michel Delahaye, Cahiers du Cinéma n° 224, outubro de 1970

quinta-feira, 14 de fevereiro de 2008

The base is the camera eye filming with an angle of vision that Mizoguchi identifies with the spectator. The right line of this angle of vision will be taken as the axis of desire and of agressivity, therefore of action. The other line will be the defensive axis confronting that desire, namely, the axis which folds onto itself, therefore the axis of contemplation. The V of the angle of vision becomes the V which serves as the device for mise en scène on the screen. Frequently the screen closes the V opened by the camera in such a way that if one made this combination into a figure, it would form a lozenge. In the V visible on the screen, the axis of agressivity and desire is occupied by the male, and the other is ascribed to the woman trying to protect herself from attack.

Jean Douchet

sexta-feira, 30 de dezembro de 2005

Frontière chinoise

TPS Cinétoile, 21 heures.

par Louis SKORECKI

Je ne suis pas sûr que le vrai Jacques Aumont, le polytechnicien des universités, aime Ford : trop énigmatique, trop contradictoire, trop muet. Le faux Aumont, le mien, c'est autre chose. Ce professeur itinérant, qui tient David sous son emprise (le pire, c'est que David y prend du plaisir), éprouve pour Ford une passion exclusive. Quand il parle du dernier Ford, Seven Women (il ne dit jamais Frontière chinoise, il a les titres français en horreur), quand il le compare au dernier Mizoguchi, la Rue de la honte, les yeux de David brillent d'excitation. Il revient du lycée le regard hagard. Il n'est plus de ce monde. Je n'aime pas ça. Tu as fumé ? je lui demande. Tu sais que je déteste ça. David se frotte les yeux, il ne répond pas. Il peut rester des heures sans parler. Quand il sort de sa léthargie, il me demande ce que je pense de Frontière chinoise. Je lui dis qu'un film de 1966, il faut le regarder avec suspicion. Il faut toujours se méfier des chefs-d'oeuvre de postcinéma. Si seulement monsieur Daniel avait été là, il lui raconterait Ford. Il a joué dans plusieurs de ses films, il le connaissait bien.

Dès qu'on prononce son nom, monsieur Daniel arrive. Vous parliez de Frontière chinoise ? dit-il, comme s'il avait écouté le début de notre conversation. C'est le moins fordien de tous les Ford. Il lui manque cette attention maniaque aux détails qui fait la chaleur documentaire de ses meilleurs films. C'est quoi un film fordien ? demande David. Celui qui préfère l'extraordinaire du quotidien au dépaysement ou à l'exotisme, répond monsieur Daniel. Ford est le cinéaste de l'Amérique ordinaire, pas celui de l'exploit et des paillettes, conclut-il. David raconte comment Aumont présente Seven Women, un grand mélo féminin. Tout ce que Ford détestait, lâche monsieur Daniel. David se tait. Moi aussi.

sexta-feira, 23 de dezembro de 2005

La rupture no Eurochannel, Mizoguchi no TC Cult e Police do Pialat na TV5. Horários e datas é só checar na programação que consta nos sites desses canais.

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