segunda-feira, 9 de outubro de 2006
sábado, 7 de outubro de 2006
La pesanteur, la grâce et le cinéma
par Alain Bergala
De Passion et de Nouvelle Vague, on pourrait commencer par dire que ce sont deux films où Godard a éprouvé le besoin impérieux d’une grande grue, comme dans les films d’Hollywood ou comme Rossellini dans deux plans de Voyage en Italie - film qu’Alain Delon et Dimiziana Giordano étaient censés regarder à la télévision dans le scénario de Nouvelle Vague. Par un besoin d’élévation, pour que le film quitte de temps en temps la hauteur et l’échelle des affaires humaines pour s’élever à un point de vue qui ne soit plus celui des personnages, encore moins celui d’une maîtrise surplombante du cinéaste. Mais pour rendre compte dans le même plan des passions humaines et de la majesté d’une grande demeure au bord du lac, depuis le point de vue non humain des plus hautes branches de ces arbres qui assistent impassibles et bienveillants depuis des siècles à cette minuscule, énigmatique et touchante agitation, comme dans un tableau de Poussin. Mais aussi par un besoin de chercher la grâce dans le mouvement descendant de la caméra, comme dans le dernier mouvement de grue sur le tableau du Greco dans Passion. Dans ces deux films, Godard, qui avait demandé à Isabelle Huppert de lire La Pesanteur et la grâce en guise d’exercice spirituel pour se préparer à jouer son rôle de vierge militante syndicale dans Passion, reprend à son compte la phrase de Simone Weil : « La pesanteur fait descendre, l’aile fait monter : quelle aile à la deuxième puissance peut faire descendre sans pesanteur ». Godard parle pour sa part, dans le scénario de Nouvelle Vague du « fluide des mouvements sociaux et mondains, transmis par le mouvement de la caméra, qui fait surgir comme solide la liaison amoureuse, un peu comme si de la musique faisait naître de la sculpture ». La musique, d’ailleurs, guidera souvent les mouvements d’élévation et de descente de la caméra sur une prairie au bord du lac ou une reconstitution dans le plus grand studio du Billancourt de l’époque de L’Entrée des croisés à Constantinople de Delacroix, pour délester cette lourde machinerie de toute allégeance à l’univers de la fiction, pour en faire un instrument de « révélation », mot où Godard lit à la fois « rêver » et « élever ».
Pour conjurer la pesanteur, Godard construit ces deux films sur des séquences en miroir (Passion) ou des séquences réversibles (Nouvelle Vague). Chaque séquence éloigne tout risque de compacité en revenant ailleurs et autrement dans le film. Dans Passion, les scènes de l’usine rejouent les scènes du studio de cinéma, et vice-versa. Isabelle Huppert déplace une petite lampe d’intérieur pendant qu’un machiniste opère le même mouvement avec un arc électrique de plusieurs centaines de kilos, devenu soudain aussi léger que la première par la grâce à la deuxième puissance du raccord descendant. Dans Nouvelle Vague, toutes les scènes de la première moitié du film reviendront sous une forme inversée dans la deuxième : elle à sa place à lui, et lui à sa place à elle. « Ce sont les mêmes scènes, écrivait Godard dans son scénario, mais à l’envers, de l’autre côté du miroir », du côté où les formes sont libérées de la pesanteur et de l’inertie de ce qui doit consister pour exister sous forme unique. Il a toujours su que c’est la représentation du mouvement qui condamne irrémédiablement à la pesanteur et la pornographie les scènes d’amour physique au cinéma et expérimente dans ces deux films la même voie pour y échapper, celle du tableau vivant : ce sont les deux scènes d’amour immobiles de Nouvelle Vague, où les acteurs deviennent leurs propres sculptures, c’est le tableau de la Vierge du Greco dans Passion qui devient la métaphore immobile de la première scène d’amour physique d’Isabelle. Toujours le dédoublement et le miroir pour alléger ce monde par sa métaphore visible et immobile, hors du présent de la fiction. Un texte collé sur le cahier de tournage de Nouvelle Vague disait : « Le monde ne se rappelle à nous que par sa disparition. Qu’est-ce que nous aurions à faire ici, nous les vivants, sinon, non de vivre, mais de mimer la résurrection ? ». Le cinéma non plus comme représentation, mais comme résurrection du monde.
L’emploi de stars venues d’ici - Isabelle Huppert, Alain Delon, Michel Piccoli - ou d’ailleurs - Hanna Schygulla du cinéma de Fassbinder, Domiziana Giordano de celui de Tarkovski - fait partie de cette interrogation. La star est-elle un agent d’élévation ou de pesanteur pour le film ? Dans ces deux films Godard essaie de travailler cette question au corps et à la voix des stars dont il a toujours su attendre patiemment qu’elles redeviennent disponibles et libres pour « être et avoir été », pour « être d’avoir été » sans la pesanteur de leur image et les exigences de leur carrière. « S’il n’y avait pas eu Alain Delon, dit-il de Nouvelle Vague, il n’y aurait pas pu avoir du temps pour filmer un ruisseau à égalité. Il faut l’étoile, mais l’étoile c’est quelque chose qui vient de loin, dont nous ne percevons la lumière qu’en retard (...) Et tout à coup, on peut faire un plan de cheval qui est aussi beau que celui de Delon ou de Domiziana. » On pourrait dire la même chose d’un plan d’Isabelle Huppert et d’une machine d’usine, d’un paysage du bord de la rivière ou d’une Vierge du Greco. Ou de l’odalisque d’Ingres et d’un plan du dos de celle qui va devenir la « star » de la trilogie dont Passion est le premier volet (suivi de Prénom Carmen et Je vous salue Marie) : Myriam Roussel, à qui Jerzy demande de « faire l’étoile » dans la piscine du studio.
sexta-feira, 6 de outubro de 2006
sexta-feira, 29 de setembro de 2006
Who was Stavros Tornes?
He died on the 26th of July at sunset. He was the greatest filmmaker of Greece. Pasolini resurrected. One had to catch his films in the concealed corners of obscure festivals. And now?
This man died. Artists also die, even the great ones. And Stavros Tornes the name of this man - a Greek, we see him herein his 1982 film “Balamos” alive, more frantic than the crazy horse he is confronting –, this man died.
Every death is a scandal, but his was inadmissable. Stavros Tornes did not have the right to die. He allowed himself to. He probably had his reasons, but he should have remained eternal. And the strange thing is, he could have. Stavros Tornes was a filmmaker. A word which today sounds like an insult, a curse refering to frauds. This era definitely belongs to television (so much the better), and makers of video films, TV films and any kind of clips, are usurping the meaning of cinema.
He was a film - maker. He was nothing but this. Poet, philosopher, prophet. But poet in cinema, prophet of images / messages for the planet.
He was todays greatest filmmaker. He died in anonymity by choice, conscious of being an animal on the way of extinction, the survivor of a finished era where the words art and cinema, artist and filmmaker were not yet Vulgar words.
He was young; 56 is childhood for a filmmaker; but to be the greatest and yet unknown is exhausting. It exhausts quickly and certainly, even if one has chosen to remain unknown to be able to continue to make films.
Every minute Stavros Tornes was aging one hour. Tormented by the agony of the cinema, he was dying for desire - LOVE - of resurrecting it, be it at the cost of his life. To give life to the woman cinema, and to die.
To exhaust his body by feeding on anything - a poor man's philosophy. Without asceticisms or other crap. Without an alibi. Whithout second thoughts.
Excluded, marginal, road companion of all "SQUATTERS" of a post-industrial society, of all vagabonds of the urban delirium. A friend of the animals because he was one of them, well yes, an anomality, a mineral, a landscape all by himself, he passed through this half a century too quickly to be noticed and too slowly for people to realize he was moving at all. Too intense to be loved.
His films are but his own. Unless you see them (we are waiting to see an important retrospective at the film library, real projections in one or two cinema's, articles, dedications, traces), it is impossible to describe them or talk about them.
Is he a Pasolini more Pasolinian than Pasolini, a Straub less dogmatic, a Murnau of the present?
Stavros Tornes died last Tuesday, a 26th of July, nine o'clock at night. For the past year, he was engaged in a battle with the bureaucrates of the Greek Cinema Center in Athens about a budget of four million drachmas for his film. He knew it would be his last. He knew he was going to die (cancer, refusal of hospital etc.), he simply wanted to use his last energy for this Robinson Crusoe which will never be seen.
Four million drachmas is about 200.000 french francs, twenty old lousy million french francs, the average cost of his films.
Greek "filmmakers" the others, taking turns, receive fifty, sixty million, at least. It often takes them up to five years to direct, emphasis, "films" worth twenty Stavros Tornes.
Stavros makes a masterpiece within a year while others spend half a decade piecing together their monuments of academicism. Papatakis, alone, perhaps (he loves, admires Tornes and tries to organize a retrospective) escapes this horde of drachma-eaters who killed old Stavros a bit earlier.
The very day of his death, a few hours before the end, the Center announced that it would finally grant the four million for Robinson Crusoe.
They didn't know. Today, perhaps they are sorry. Time will judge.
Stavros Tornes co-directed his first film "Theraicos Orthos" with Kostas Sfikas in Greece.
We are back in 1967. He has already been working as an actor, a technician, doing odd jobs. He will continue to survive like this in Italy, appearing majestically in Fellini's "City of Women", being Rosi's assistant, earning just enough to stay alive and get around.
STUDENTI, ADDIO ANATOLIA, COATTI (his first long-length film dazzles the audience and is perceived as a comet in the Toulon/Hyeres festival in the mid 70's), Eksopragmatiko, so many titles, at present, only the promise of ever so many marvels in the future.
So many Italien marvels, stolen on from the street, from dispair, from misfortune.
Louis SKORECKI
La forêt d’émeraude
(...) Commençant comme un film d’aventures traditionnel ou un western fordien, Boorman, avec la sèche ironie qui lui est propre, ne cesse de faire bifurquer son récit faussement linéaire et se démarque du modèle classique du film d’aventures. Son film est une visite guidée du royaume des films qui ne sont plus possibles: celui du père qui ne vit que pour retrouver son fils, l’émotion des retrouvailles, les rites initiatiques indiens et leur cosmogonie, l’hésitation entre la vie sauvage et le retour au bercail civilisé…
Serge Daney
quinta-feira, 21 de setembro de 2006
Iosseliani, dans sa maigreur, sa distinction, a toujours eu quelque chose d'un autre grand burlesque, le Portugais João César Monteiro. Des deux clodos célestes, Monteiro était le dur, l'acerbe. Iosseliani, c'est le doux.
PEUR ET COMMERCE
PAR PASCAL BONITZER
II n'y a peut-être que deux sortes de cinéma, celui qui poisse et celui qui ne poisse pas. Le cinéma de Godard ne poisse pas, ne colle pas. II faudrait étudier les plans de ciel dans les films de Godard. lnvinciblement la caméra revient vers le ciel, le bleu du ciel, comme vers un élément naturel. Dans Sauve qui peut (la vie) elle en part, décrit une courbe légère avant d'atterrir en douceur. Le ciel est vide, à peine rayé de fins stratus, il est l' élément premier, la page d ' écriture, la légèreté et la liberté. Le bleu et le vide. Godard n'aime pas plus les ciels chargés que les scénarios écrits, les atmosphères travaillées. Ce n'est pas de la caméra-stylo, mais de la caméra-pinceau. Pas de récit, des gestes, des mouvements, au sens musical du mot aussi bien. Quatre mouvements : 1) la vie, 2) la peur, 3) le commerce, 4) la musique. Chacun de ces éléments décrit un ensemble, un entrelacs de mouvements. Le film est fait de fuites, de déplacements et de stases, d'arrêts et de redéparts. Les personnages ne cessent de bouger, de transhumer, toujours entre deux trains, deux lieux, deux corps, deux projets. De même l'image s'arrête, ne s'arrête pas vraiment, va s'arrêter, repart. Le sujet du film, c'est le mouvement, les mouvements.
C'est pourquoi les émotions sont mises au deuxième plan, et comme interdites par le film. lnterdites, pas absentes : loin de là. Une violence extrême de sentiments passe dans Sauve qui peut. La brutalité, la mechanceté, la cruauté, voire des formes élaborées de sadisme y règnent. Nathalie Baye frappe Jacques Dutronc (dit Paul Godard) et inversement. Dutronc-Godard jette ses cadeaux, des tee-shirts de couleur, au visage de sa fille, l'un après l'autre. lsabelle Huppert se fait déculotter et fesser par des macs, pour avoir tenté de déjouer leur racket. Mais Godard préfère montrer des mouvements qu'exprimer des émotions. Le mouvement précède et dépasse l'émotion. Ainsi Dutronc-Godard se jette-t-il, en ce ralenti saccadé - mouvement criblé de micro-arrêts sur image - qui fait désormais signature, sur Nathalie Baye, à travers la table de leur cuisine. II explique ensuite : « On ne peut se toucher qu'en se tapant dessus ». L 'élan, en l'occurrence l'élan amoureux, est donc figure littéralement par un geste, un mouvement, une action. Le sentiment ne s'exprime pas, il s'agit. Que le résultat soit catastrophique ou équivoque, c'est une autre question, ou plutôt, c'est une autre face de la question. Qui choisit le mouvement, en effet, est forcément dans l'équivoque.
Horreur de la fixation, de la fixation émotionnelle ou sentimentale comme la fixation territoriale : de ce point de vue, Godard est l'anti-Pialat. Sur le quai de la gare de Nyon, deux motards demandent inlassablement à une fille de « choisir ». lnlassablement, elle refuse de choisir (choisir quoi ? on ne sait : sans doute entre les deux motards, mais ce peut être autre chose). Elle est frappée. Les coups font voler sa tête de droite et de gauche, ce qui permet encore ces saccades, micro-arrêts qui mettent le mouvement cinématographique comme à distance de lui-même. Elle a du sang sur la bouche, mais obstinément, farouchement elle répète qu'elle ne veut pas choisir . Le deuxième mouvement du film, « la peur », c'est peut-être la peur de choisir. De même Godard-Dutronc ne veut-il pas choisir entre1 'hôtel où il a ses quartiers (hotel de luxe, lieu de passages par excellence) et la maison où il pourrait habiter avec Nathalie Baye. Elle non plus ne veut pas choisir. A lsabelle qui lui demande si ça lui fait de la peine que Paul décide de rester six mois de plus dans son quatre étoiles, elle dit que oui, mais ajoute que ça la ferait sans doute chier qu'il vienne habiter avec elle. Elle et lsabelle sont également en mouvement, elle sur sa bicyclette, dans la montagne, lsabelle en marche, de passe en passe, dans la rue, dans les couloirs d 'hôtels, entre Genève et Nyon.
Tous ces mouvements sont linéaires, en va-et-vient, en navette, entre deux morts. Le refus de choisir suppose un tel mouvement. II en exclut simultanément un autre, le mouvement de retour . II n'y a que du présent, pas de passé, pas d'avenir. Dutronc-Godard, renversé par une voiture, sans doute agonisant, prononce ces mots, étendu sur le bitume, la face tournée vers le ciel : « Je ne suis pas en train de mourir puisque je ne vois pas ma vie défiler devant mes yeux ». Rien ne revient. II n 'y a donc aucune forme de salut, ni de paix. La mort est mate, ne conclut rien, n'arrête rien : pas plus la voiture qui tue que l'ex-femme, que la fille de l'accidenté. Elles passent le long d'un orchestre posté dans la rue et s'éloignent. La musique ne s'arrête pas. Aucune pitié, aucun amour, aucun regret, n'arrêteront une seconde le mouvement du monde sur ce mort : voila la seule certitude.
II n 'y a, en effet, aucune communauté, aucune communication diffuse, indifférente, familière, dans ce film ou les êtres, pour se toucher, doivent se jeter durement les uns contre les autres. Il n'y a que des solitudes, des atomes, des monades, qui se croisent et parfois s'entrechoquent dans la nuit. Le troisième mouvement du film, « Le Commerce », rend compte de cette loi. Le terme de commerce signifie à la fois les affaires et la fréquentation, éventuellement charnelle. La prostitution conjoint les deux et en donne du même coup la vérité. Les êtres ne bougent et ne se rencontrent qu'au gré de la circulation de l'argent. Radicalement seuls, monadiques, ils ne sont pas libres pour autant. Personne ne l'est, sentencie le mac punisseur et pédagogue pour l'édification d'lsabelle, et il le lui fait répéter, en énumérant comiquement une série indéfinie de professions. La prostitution met le lien social, mais aussi le lien sexuel, à nu. « Ne te fatigue pas » dit Dutronc-Godard à lsabelle qui feint professionnellement d ' éprouver du plaisir .
C'est pourquoi ce film ou les réalités sexuelles jouent un si grand rôle est si radicalement non-érotique. II ne laisse aucune place au moindre trouble, au moindre tremble du trait. «Ne te fatigue pas » : surtout pas d'illusion, pas de mirage, pas de rêve. « Petit fripon, dit un personnage de Sade, il faut que je me venge de l'illusion que tu me fais ». Godard est plus radical que Sade, ses personnages ne se font aucune illusion. lIs ne se « vengent » pas. L 'absurdité comique et vaguement macabre de leurs fantaisies sexuelles est sans justification ni dénégation. « Nous vivons une grande époque historique ou l'acte sexuel se transforme definitivement en gestes ridicules », dit un personnage de Kundera. Les personnages de Godard vont au bout de ce ridicule, avec une froide détermination. On rit à la grande séquence de la partie carrée, mais quelque chose glace le rire, on rit d'un rire gelé, le ridicule est absorbé par l'étrange, par un comique supérieur. Roland Amstutz, d'abord odieux, brutal, fascisant, prend peu à peu une bizarre grandeur, jusqu ' à ce spendide gros plan qui révèle à lsabelle, selon ce qu ' elle dit en voix off, sur « cette face d'ivoire », le sombre orgueil, la terreur abjecte, et l'enfer d'un désespoir sans limite (sans doute une citation du même Kundera, mais je n'ai pas retrouvé la source).
Si cette séquence de partie carrée constitue le morceau de bravoure du film, elle en est aussi le coeur. Tous les mouvements que décrit Sauve qui peut semblent se résumer, ou trouver leur point d'équilibre, dans la machine sadienne de mouvement perpétuel inventée par le PDG au rouge à lèvres. II s'agit d'une transposition de la machine cinématographique et le personnage s'exprime comme un metteur en scène «bon pour l'image, voyons le son... »). Le sombre orgueil, la terreur abjecte et le désespoir sont ceux du maître, mais aussi bien de l'artiste que du maître politique ou économique. Ce visage bouffi, empreint de fatigue et d'abjection, est le visage emblématique du maître moderne, du patron. On pense un peu à un film de Mizoguchi dans cette séquence, à l'homme d'affaires suant de Cion Bayashi, à qui la délicieuse Ayako Wakao tranche la langue. Mais ici pas besoin de castration, elle est déjà sur lui et depuis longtemps. Cette « face d'ivoire » est une tête de mort.
La machine de mouvement perpétuel, image et son, que le personnage invente, est à la fois mise en scène (et montage) cinématographique, et machine capitaliste. Godard est sensible, on le sait, à la notion de chaîne, à la multiplicité des usages du mot chaîne, qui désigne en premier lieu la condition fondamentale énoncée par le mac fesseur d'lsabelle - « personne n'est libre » -, puis toutes les formes possibles de cette condition: la structure du travail (à la chaîne), celle du capital (chaîne de magasins, etc.), mais aussi bien la génétique (chaîne ADN), la biochimie, etc., enfin la forme générale de cette non-liberté de principe : le caractère segmentaire et en droit indéfini de la série et la contiguïté de ses membres.
Personne n'est libre mais on peut agencer différemment les éléments, deux à deux, entre eux. Ainsi lsabelle, attendant dans un couloir d'hôtel pour une passe, rencontre-t-elle une improbable camarade d'école primaire, Marie-Luce. « Je connais des gens qui cherchent des gens », lui dit celle-ci, et lsabelle : « Oui, ça m'intéresse ». La scène n'est pas seulement d'un humour savoureux, elle possède un caractère inquiétant, angoissant, qui est le fond de l'art godardien. Plus tard lsabelle rencontrera « les gens » en question, un type dans une salle de montage, comme par hasard. La combine proposée restera obscure, on pourra imaginer n'importe quel trafic (lsabelle est censée toucher cinq mille dollars pour ne « rien» faire, comme si elle était déstinée à incarner quelque Kaplan dans des hôtels de New York), l'essentiel est la notion de montage, d'agencement, à la limite sans aucun sens.
Par ce film Godard est et reste le cinéaste le plus résolument moderne. Personne ne peut comme lui rendre compte de la terreur des grandes métropoles modernes. Si le sujet de Sauve qui peut est le mouvement, son objet est cette terreur anonyme, multiforme, sans visage. Le mac punisseur n'a pas de visage. Le visage du PDG au rouge à levres est celui d'une terreur abjecte. La terreur n'a pas de visage, el!e ne vient d'aucun pouvoir défini. Le terrorisme moderne est sans visage parce que, à la limite, sans cause. Même si le film ne parle pas du terrorisme, il se situe à ce niveau de violence sans cause. C'est peut-être ce que signifie, entre autres, le titre du film, peu explicite (moins explicite que l'ironie de Tout va bien, par exemple, à laquelle il semble répondre du tac au tac - après l'époque de « tout va bien », celle de « sauve qui peut »). Sauve qui peut évoque la fuite et la peur. Mais aussi, peut-être, une sorte de programme politique à 1' usage d'aujourd'hui : après la confiance envers les micro-collectifs de la génération de 68, la postulation d'une individuation (pour utiliser ce terme deleuzo-guattarien) et d'un éparpillement généralisés. La vie, la sauve qui peut, là où il se trouve être. Peu d'oeuvres aujourd'hui sont aussi désespérées et peu ont à ce point tenté de définir (à bon entendeur) quelle forme de salut était encore possible. On ne saurait aller plus loin. P.B.
Cahiers du Cinéma n° 316, 1980
quarta-feira, 13 de setembro de 2006
From: Tag Gallagher
http://movies.groups.yahoo.com/group/a_film_by/message/40414
A new film by Jean-Marie Straub and Danièle Huillet, Quei loro incontri ("Those encounters of theirs"), had its world premier a few days ago in competition at the Venice Film Festival. The movie's dialogue consists of the last five dialogues of Cesare Pavese's Dialoghi con Leucò ("Dialogues with Leuco"). The Straubs did not show up for their press conference; instead they sent a bunch of their actors who left Pisa at 4 a.m. to be there. Festival director Marco Müller announced Danièle was ill and that Straub had sent a statement, which one of the actresses read:
Three messages
Jean-Marie Straub
First) It’s come too soon for our death - too late for our life.
Anyway, I thank Marco Müoller for his courage. But what do I expect from it? Nothing. Nothing at all? Yes, a small revenge. A revenge “against the intrigues of the court,” as is said in The Golden Coach. Against so many ruffians.
Why Pavese? Because he wrote: “Communist doesn’t mean just wanting to be. We’re too ignorant in this country. We need communists who aren’t ignorant, who don’t spoil the name.” Or again: “If once it was enough to have a bonfire to make it rain, or to burn a vagabond on one to save a harvest, how many owners’ houses need to be burnt down, how many owners killed in the streets and squares, before the world turns just and we have our words to say?”
Pavese has the bastard say: “The other day I passed by the Mora. The pine tree by the gate’s not there anymore.” Replies Nuto: “The bookkeeper had it cut down -- Nicoletto, that ignorant man. He had it cut down because the tramps would stop in its shade and beg, you understand…”
Again Nuto, elsewhere: “With the living he makes, I can't hold it against him. If it were useful, the first need is for the government to burn money and anyone who defends it.”
Best wishes.
Second) Besides I wouldn’t be able to be festive in a festival where there are so many public and private police looking for a terrorist - I am the terrorist, and I tell you, paraphrasing Franco Fortini: so long as there’s American imperialistic capitalism, there’ll never be enough terrorists in the world.
Third) I have been: 1. at the Venice Festival (as journalist) in 1954, I chose to write on three films: Sancho Dayu - El Rio y la Muerte - Rear Window. No prizes!
2. At the Festival (short films) in 1953 with my first film Machorka-Muff (‘62): no prize.
3. At the Festival in ‘66 with Nichtversöhnt (Not Reconciled, 1965). Projection paid for by Godard!
4. At the Festival with Chronicle of Anna Magdalena Bach !
5. At Venice for retrospective in 1975 (wanted by Gambetti) of all our films up to Moses and Aron (included), 1974.
At the Festival of Cinematographic Art with Quei loro incontri for A Roaring Lion.
Marco then closed the Press Conference without any of the actors getting a chance to say a word. (Straub's quotes from Pavese are from Pavese's La luna e i falò [The moon and the bonfires], which the Straubs filmed in 1979 as part of Dalla nube alla resistenza [From the cloud to the Resistance].)
2) This caused a furor in the Italian press and at the festival. Virtually unreported outside of Italy. Nontheless the jury (headed by Catherine Deneuve, probably inspired by Paolo Branco) wanted to give a special Roaring Lion to the Straubs. But one jury member, American Cameron Crowe objected because of 9/11 and consented to the award on his understanding that the Festival would "distance" itself from Straub's "anti-American" message. (Apparently it's anti-American to oppose imperialism.)
3) The award was given -- for "innovation in language" (in essence, for their lives' work), but the announcement of "distance" was not made -- thank goodness! We have nothing to fear from the world being filled with "terrorists" such as Straub defines himself -- people making movies like Straub. But we have everything to fear from neo-McCarthyism like Crowe's, that seeks to hinge an artist award on an endorsement of imperialism.
quarta-feira, 9 de agosto de 2006
Hands over the City (Criterion Collection, October 2006)
SPECIAL EDITION DOUBLE-DISC SET: * New, restored high-definition digital transfer * Neapolitan Diary (1992), Francesco Rosi's feature-length sequel to Hands over the City * New video interviews with Rosi, film critic Tullio Kezich, and filmmaker Jean-Pierre Gorin * Video discussion with Rosi, co-writer Raffaele La Capria, and film critic Michel Ciment * New and improved English subtitle translation * Plus: A booklet featuring a new essay by film critic Stuart Klawans and a 2003 interview with Rosi
"Rosi wants to dissipate the smoke that exists in those back rooms," Gorin says. "It's the cinema of claustrophobia."
quarta-feira, 26 de julho de 2006
Lembrando que Lardeau quase escreveu um livro sobre Cimino para a editora dos Cahiers
Nagisa Oshima, Pier Paolo Pasolini, Rainer Werner Fassbinder, estos tres cineastas imprimieron su huella en el cine de los años setenta y es probable que esta década pase a la historia del cine como la suya. Gishiki, Porcile, Die dritte Generation, Deutschland im Herbst, Oshima, Pasolini, Fassbinder: los tres proceden de países que han engendrado el fascismo y perdido la guerra. Los tres son cineastas de la no reconciliación, del rechazo del olvido. Los tres han llevado a la pantalla el desgarro interno de las familias, la rebelión de los hijos contra los padres y la imposibilidad de estos padres de mantenerse en su papel después de tantas atrocidades cometidas en su nombre durante la guerra. Los tres critican tenazmente en su obra la negación del pasado, base sobre que la Alemania, Japon o Italia reconstruyeron su industria e instauraron los principios democráticos de gobierno. Los tres han visto en esta negación, en el hipócrita silenciamiento del pasado, el fracaso de la democracia venidera, el escollo en el que ésta habría de tropezar, incluso antes de su restablecimiento: la mayoría se somete dócilmente a las reglas de la democracia, porque le han dicho que ése es el camino del bien, igual que anteriormente se había sometido ciegamente a la caprichosa voluntad de un déspota. En ambos casos, el poder es exterior, trascendente y arbitrario. Oshima, Pasolini, Fassbinder, los tres han visto, en esta aceptación dócil del orden dominante, al mismo tiempo una amenaza permanente para la democracia y una promesa tácita de retorno, si no del fascismo propiamente dicho, al menos de una sociedad totalitaria.
Mamma Roma, Seishun Zankoku Monogatari, Liebe ist kälter als der Tod, Götter der Pest, las obras de Fassbinder, de Pier Paolo Pasolini y de Nagisa Oshima comienzan igualmente con la descripción de los bajos fondos. Ya sea la miseria de la prostitución, ya la ira y la desesperación del proxeneta, la soledad del trabajador inmigrante griego, turco o italino en Alemania, coreano en Japón, procedente de Friuli en los suburbios de Roma, los tres han criticado la sociedad, han expressado su rebelión fuera de los caminos trillados de la lucha de clases, no según el esquema clásico del proletariado contra la burguesía, sino a partir de la marginación, de las minorías, de los rechazados y de los excluidos de la sociedad - del lumpenproletariat -, y han denunciado una sociedad cuya cohesión radicaba en el rechazo, en el odio exacerbado al Otro, en cuanto éste era distinto por su origen, du conducta o su sexualidad.
Los tres son cineastas del deseo, a la vez como pulsión, como energía y como determinación, contra el que viene a romper, a encallar, cualquier norma social. Los tres han visto en el deseo un doble límite a la sociedad, a la vez como expresión radical de la subjetividad y como violencia natural, como fuerza destructora, como potencia aniquiladora de la sociedad que ésta ha de reprimir para poderse desarrollar. Oshima, Pasolini, Fassbinder, los tres han filmado el deseo en su relación con la norma, en su carácter irreductible frente a esa norma - como potencia de la negación (El imperio de los sentidos, Desesperación). Los tres han articulado el fascismo con el deseo, han visto en él una forma específica, patológica, de la perversión de la ley. El fascismo es consecuencia de la negación del deseo, de que se reniegue de él por pánico, de su retorno en forma negativa, mortífera, totalmente vuelta hacia la destrucción del Otro y, a través del Otro, de uno mismo.
Para Griffith, Vidor, Ford o más recientemente Cimino, la Historia es resultado de la lucha en defensa de unos ideales y de trayectorias individuales. Para Eisenstein, para Brecht, para Lang y, más recientemente, para Jean-Marie Straub, es fruto de la lucha de clases, de un enfrentamiento de masas. Para Vertov, para Rossellini, y tambiém para Jean-Luc Godard, es consecuencia de un conflicto entre una incomunicación, un malentendido fundamental entre los seres humanos, y una comunicación generalizada, planetaria. Para Nagisa Oshima, para Pier Paolo Pasolini, para Rainer Werner Fassbinder, nace de um rechazo del Otro, de una tendencia de la sociedad a organizarse en castas y de un agujero abierto en este sistema por la energía incontrolada del deseo, lugar geométrico del sujeto. Nagisa Oshima, Pier Paolo Pasolini y Rainer Werner Fassbinder encarnan en el cine el último proyecto original, coherente, consecuente y logrado de una visión de la Historia, el último intento de un cine que cuestiona la sociedad.
Yann Lardeau, Rainer Werner Fassbinder
Dodes'kaden
Par Louis SKORECKI — 4 septembre 2003 à 00:50 CinéCinéma Classic, 18 h 05. Comparer Dodes'kaden à tout ce que le cinéma a produit, chefs-d'oeuvre et navets, depuis son invention par Auguste et Louis Lumière, c'est le genre de choses qui n'est pas pour nous déplaire. Pour ceux qui ont la chance de n'avoir pas encore vu Dodes'kaden, on dira juste que c'est à la fois ce qui anticipe la fin du cinéma et ce qui la rend dérisoire, ce qui rend dérisoire l'existence même du cinéma. Dire que Dodes'kaden est le dernier film de «cinéma», ça nous fait une belle jambe. Dire que c'est le dernier film à englober le monde, ça ne nous avance pas plus. Ça nous ferait même plutôt reculer. Ce qui fonde l'existence même de Dodes'kaden, qui vaut bien mieux qu'un simple film de Kurosawa, et bien plus que la figure dérisoire de ce petit maître de l'entropie, c'est la remise en question, non pas du «cinéma», mais de l'«homme». L'existence de l'«homme» est-elle encore possible et à quel prix ? Dodes'kaden ne s'occupe que de ça, ce qui survit d'humain dans l'homme et, à défaut, ce qui reste de l'homme dans le sous-homme. Sous-homme, dit Dieu à l'oreille de Kurosawa, c'est mieux que rien. Quel Dieu ? murmure le vent à l'oreille du vieux Kurosawa. Quels dieux lui soufflent d'en finir avec la vie devant l'insuccès (financier, artistique, public) de ce film d'outre-tombe ? Disons, pour donner une idée du dialogue entre Kurosawa et ses démons (ses dieux, si l'on préfère), qu'il s'agit d'histoires, de bribes d'histoires, de paraboles. Dans deux des dernières grandes religions, le bouddhisme zen chinois et le judaïsme transcendantal des grands maîtres hassidiques du XIXe siècle, celui qui fait suite aux illuminations de charretier du Baal Schem Tov, ce sont les histoires qui comptent avant tout. La variante d'une histoire zen (l'une des plus connues) trouve sa place dans un épisode de Dodes'kaden. C'est celle du voleur et du volé. Dodes' kaden (2) Par Louis SKORECKI — 8 septembre 2003 à 00:53 CinéCinéma Classic, 22 h 10. Dans toute histoire, il y a un voleur et un volé. Le problème, ce n'est pas de savoir qui est le voleur et qui est le volé (même si c'est parfois plus compliqué qu'on ne l'imagine), c'est d'abord de savoir en quoi consiste précisément le vol. Les mystiques passent leur vie à élucider de telles questions, des questions qui intéressent malheureusement assez peu les cinéastes, et encore moins les scénaristes. Kurosawa s'est laissé gagner sur le tard par l'ivresse intellectuelle et sensuelle de ce genre de questions existentielles. Dommage qu'il ne leur ait consacré qu'un seul film, Dodes' kaden, à la fois son plus grand film et l'un des deux ou trois sommets de l'art cinématographique du XXe siècle. Dodes' kaden parle de ce très court instant entre la naissance et la mort qu'on se risque parfois maladroitement à appeler «la vie». La vie, en tant qu'elle se résume à quelques flashes de couleur, quelques émotions fortes, une ou deux histoires d'amour. La vie en tant qu'on ne cesse de buter dessus, en tant qu'on ne s'en remet pas, en tant qu'on en meurt. Pas mal comme scénario, non ? On ne fera qu'effleurer ici la surface de ce film gigantesque, torturé, suicidé, apaisé. D'autres mots ne cesseront de ne pas avoir raison de ce film. Tôt ou tard, le film se venge des mots. Pour en finir provisoirement avec ce qui ne cesse pas de ne pas finir, il faut bien qu'on dise quelque chose de cette histoire du voleur et du volé. Dans l'un des fragments de ce recueil de nouvelles cinématographiques (plutôt de mauvaises nouvelles, d'ailleurs), un vieil homme se fait voler. Plus discret que lui, plus transparent, on ne fait pas. La police ramène le voleur et demande au vieil homme s'il le reconnaît. «Mais vous vous êtes trompé, dit le vieillard, cet homme est mon ami, vous avez arrêté un homme à qui je venais de donner de l'argent. Il n'a rien volé du tout.» L'homme est relâché. Il pleure. Pleure-t-il avant ou après avoir été relâché, c'est toute la question. (A suivre) Dodes'kaden (3) Par Louis SKORECKI — 12 septembre 2003 à 00:57 CinéCinéma Classic, 16 h 50. Dans toute histoire, il y a un homme et une femme. Même si la femme est une chienne, même si elle a des couilles, ça ne change rien. Dodes'kaden est un film qui parle de l'homme en tant qu'il fait encore partie du monde, du monde animal, du monde végétal, et même du monde minéral. Faire partie du monde, ce n'est pas mal, surtout à une époque où être au monde se conçoit si mal. Quand il y a trop de choses autour de toi, dit en substance le vieux Kurosawa, c'est comme s'il n'y avait rien. Mais quand il n'y a rien du tout, la comédie de la vie (la tragédie, si l'on préfère) peut commencer. «Quand on fera danser les couillons, faisait dire Pagnol à l'un de ses personnages, tu ne seras pas à l'orchestre.» On rit autant chez Kurosawa que chez Pagnol, mais c'est nettement plus trivial. Si un mot devait résumer Dodes'kaden, ce serait précisément «trivialité». Ces grilles de fer forgé qu'un père et son fils, réduits à la mendicité, imaginent autour d'une maison idéale, une maison de rêve, elles sont vraiment en fer. Les larmes que le vieil amoureux ne sait plus comment verser quand sa femme se décide enfin à revenir, ce sont de vraies larmes. Les deux hommes qui échangent leurs femmes, sans même s'en apercevoir, ils les échangent pour de bon. Le crétin qui joue au petit train (do-des-ka-den, c'est le bruit de la locomotive qu'il imagine dans sa tête tout au long du film), il y joue vraiment. Il la conduit pour de bon, sa locomotive. On ne l'appelle pas «le train fou» pour rien. Il n'est pas bête, il voit bien qu'elle n'est pas là, la loco, au moment précis où il voit bien qu'elle est là. Au spectateur de décider si elle est pour de vrai, ou non. Et le reste ? Toutes ces histoires éclatées, ça raconte quoi ? L'homme qui a des tics, ça rime à quoi ? Ces hommes perdus qui ne cessent de mordre dans le réel sans avoir peur de se mordre les doigts, on en fait quoi ? Où est le fruit du réel ? Et où sont les pépins ?. Louis SKORECKI
terça-feira, 4 de julho de 2006
Salvatore Giuliano
Michel Ciment
With Salvatore Giuliano (1961), Francesco Rosi developed the style and method that would make him, during the sixties and seventies, the greatest political filmmaker of his time. If Sergei Eisenstein could be considered the master of political cinema in the first half of the twentieth century, Rosi, in a way his peer, offers a totally different approach to the realities of power. Joseph Goebbels, allegedly an admirer of the Russian director’s films, would have been unable to endorse Rosi’s analytical conclusions. Eisenstein uses the tools of propaganda, playing chiefly on emotion and a Manichean view of the world. Rosi, though able to provoke deeply sensitive reactions from his spectators, always manages to make them think by tracking down and exposing the lies that obscure the inquiries and the scandals of our societies. His filmography can be viewed as a vast panorama of the historical past of his country, as well as its present.
Influenced by both Italian neorealism and the American crime-film tradition (from Jules Dassin to Elia Kazan), Rosi had worked as an assistant director with such filmmakers as Luchino Visconti, Michelangelo Antonioni, and Mario Monicelli before striking out on his own as writer and director with two films, La sfida (The Challenge, 1958) and I magliari (1959), the first situated in Naples and the second among Italian immigrant cloth sellers in Hamburg. Having mastered his craft, Rosi inaugurated with Salvatore Giuliano a new kind of realism that, while strongly influenced by neorealism, went beyond its immediate model by examining such issues as power and the relationships between the law and lawbreakers, while also shedding light on the causes and consequences that determine the ways in which society functions.
Salvatore Giuliano is set in the mezzogiorno, that southern part of Italy (including Sicily) that has been left on its own to struggle with poverty and exploitation. It is this region that dominates most of the director’s work, from Le mani sulla città (Hands Over the City, 1963) to Il caso Mattei (The Mattei Affair, 1972) and Cadaveri eccellenti (Illustrious Corpses, 1976). Salvatore Giuliano was initially entitled Sicilia 1943-–1960, a title that reveals the director’s intention to create a portrait of the island, complete with its contradictions and its historical evolution. Salvatore Giuliano, the Sicilian bandit whose name was to become the final title of the film, is present only as a corpse in a courtyard in Castelvetrano, or on a slab in a morgue, or even as a figure in a white shirt running up and down the rocky slopes of the Sicilian mountains. By using the name of a more or less absent man as the title of his work, Rosi found an immediate way to stress his rejection of character identification and, even more strongly, of the hero worship that generally characterizes the storylines of the biopic.
Rosi scales back dramatization and achieves the effect of alienation through his unorthodox treatment of the storyline. Shaking up the chronological order, the director juxtaposes disparate narrative blocks, thus creating a back-and-forth movement in time that sheds light on the causes and effects. In the first part of the film, Giuliano’s death (the discovery of his body at Castelvetrano in July 1950; the police report; the anguish on his mother’s face as she identifies the body on the altar at the morgue) serves as the film’s present tense. But the surrounding scenes (Palermo in 1945 and the Sicilian separatist movement; Giuliano’s partisans, the pisciotti, attacking the armed forces; the roundups organized by the military among the inhabitants in the village of Montelepre; the massacre of the communists on May 1, 1947, at Portella della Ginestra) are not treated as flashbacks (as in Citizen Kane, for instance) but rather as fragments of a mosaic that bit by bit reveal their meaning. In the second part of the film, the events at Viterbo—where the pisciotti and their leader, Gaspare Pisciotta, Giuliano’s right-hand man, were put on trial—become the film’s present while allowing the director to clarify other preceding events, such as the betrayal of Giuliano by Pisciotta or the removal of the bandit’s body by the carabinieri. The final sequence is a flash forward that takes us to 1960 and the assassination of a Mafioso implicated in Giuliano’s death. Rosi concludes the film with a scene reminiscent of the film’s opening—another man left for dead by an unseen shooter.
The political and philosophical decisions involved in this type of structure also evolved from an ethical decision by Francesco Rosi, who refused to invent or imagine events of which he had no knowledge. His method, which included exhaustive research into documents (trial minutes, photographs, testimony, newspaper articles) followed by on-site verification, led him to include his doubts, his questions, and even the inevitable gaps in his investigation in the narrative structure. Although shot at least ten years after the events in question (a necessary separation in time can also be found in Rosi’s other docudramas, Il caso Mattei and 1974’s Lucky Luciano), Salvatore Giuliano still ran up against the law of silence in the collusions between the Mafia, the legal system, political parties, the army, the police, and the bandits. But it is precisely these uncertainties that give the film its complexity and its aura of mystery. Asking questions rather than providing answers, Salvatore Giuliano was able to reach far beyond the usual boundaries of political cinema, which all too often simply seeks to reassure its audiences.
The impact of Salvatore Giuliano and the authenticity of its images have led some to see it as a documentary. But if Rosi made a documented film, what he shows us is the result of a patient and inspired reconstruction. There has never been a film that aimed more strongly at destroying romantic illusions, at deflating the very spirit of the epic, while at the same time offering more beauty, more potential to inspire a kind of epic passion in the viewer that at any moment can carry political awareness into a new dimension. A Neapolitan by birth, Rosi brings together the two cultural tendencies of his native city: rationalism inherited from the philosophy of the Enlightenment, and an emotional drive that turn towards death and tragedy. His filmmaking brings about a fusion of the realism of the Rossellini of such films as Paisà (1946) and the formal splendor of the Visconti of La terra trema (1948). From this we can conclude the following: Truth is beauty; Beauty is truth.
In Salvatore Giuliano, Rosi used only two professional actors, Frank Wolff (Gaspare Pisciotta) and Salvo Randone (President of the Court of Assize). The remainder of the cast was gathered from the Sicilian population. By asking the Sicilian natives to relive traumatic moments of their own history, the director was thus able to create psychodramas of overwhelming emotional impact: Giuliano’s mother wailing over his body; the procession, complete with horses and flags, across the valley of Portella della Ginestra as gunshots ring out from the surrounding hills; the roundup in Montelepre, with mothers and wives demanding that the army give them back their men; the pisciotti, imprisoned behind bars in the courthouse, standing with pride against the bourgeois system of justice.
By analyzing a specific situation in minute detail, Rosi, through the depth of his approach, was able to give his film a universal quality. In Salvatore Giuliano one can in fact witness the opposition between the north and the south, the disinherited—those left behind in the economic development—pitted against the impersonal power of Rome as manifested in the legal system, the army, and the police. One also sees how the outcasts of the earth are manipulated and deceived by the local powers-that-be, whether Mafia or landowners. No wonder then that from the moment they appeared in the early sixties, Salvatore Giuliano and Rosi’s next film, Hands Over the City, became immediate references for fellow filmmakers such as Elio Petri and Gillo Pontecorvo, whose The Battle of Algiers was co-written by Franco Solinas, one of Rosi’s screenwriters for Salvatore Giuliano. The latter film was also a strong influence on Brazilian Cinema Novo directors such as Glauber Rocha (Black God, White Devil [Deus e o Diabo na Terra do Sol, 1964]) and Ruy Guerra (The Guns, [Os Fuzis, 1964]), as well as on the Hungarian Miklos Jancso (The Round Up, [Szegénylegények, 1965]) or the Greek Theo Angelopoulos (The Reconstruction, [Anaparastasis, 1970]).
Salvatore Giuliano can be seen as the cast from which Rosi struck all of his subsequent films, all of them reflections on power and death, all of them chapters in the history of twentieth-century Italy, all of them acts of courage and fountains of beauty, the work of a man, a poet, and a citizen.
domingo, 2 de julho de 2006
JEAN-PIERRE GORIN ON L'ENFANCE NUE
Pialat: "All modesty aside, L'Enfance nue (69) was done under Lumière's influence. As I was shooting L'Enfance nue I was thinking Baby Has a Snack." It's right there with the first shot, a union march through the streets of a mining town. It takes its time. No rushing through it. No hunger to reach a drama within the scene, to tag it to someone or something. But there's some meticulous carbon dating taking place (the clothes, the style they confer and how much it s-p-e-l-l-s 1969). The first shot turns sequence. We understand very fast that the set up we enter is not going to be hijacked by the constraints of plot. Whatever it is, it is going to follow its own groove, bang out its own tempo. No drama to reach for or, to be more precise, life as drama. The setup as drama. Thank you, Mr. Lumière. A footnote: Lumière filmed his workers coming out of the factory. Pialat looks at them almost a century later, parading down Main Street, a little older, with less spring in their step, more ghosts of struggles past. At any rate, L'Enfance nue speaks of class, as in "working."
The first shot again, but the soundtrack this time. Mixed in the collective brouhaha of the union march (and at a level that fluctuates between prominent and receding/barely audible) are the voices of an older couple and two young boys. An intimate story. The two older voices: it's about love, and children, and adoption. The two younger voices: it's about questions. What we don't know yet is that later on, more than halfway through the film, we will be witness to this conversation. The two boys seated across from the old couple in a kitchen, the woman, smiling, seated on the man's lap; the boys smiling, too, across the table; the whole room filled with patches of yellow and blue, falling somewhere between Courbet and Cézanne. Yes, never forget that Pialat started as a painter. But to go back to the soundtrack, the intimacy of a couple's story weaved sonically in and out of the collective noise of the march. Two things to say about that: the word "class" yet again (in France voice is class), but also the word "maneuver." A tension between the collective and the personal, the unease of not quite getting it as we fail to decipher the words. What's important here is Pialat's choice to work the material. Yes, the Lumière moment of the union march, but Pialat's will to not leave it at that. And the way he proceeds by tagging the image with the intimacy of this voiceover, with a story, a sound as inchoate, as rambling, as the march itself. This folding of life onto life. Lumière on the soundtrack, too. Pialat as a painter who never forgets to be a filmmaker, who never forgets to work out the material beyond itself so to speak, to get some aesthetic surplus value out of it. Not too different from Godard in that respect, but achieving it by opposite means. Where Godard wrenches out, Pialat stirs in. Godard hits and runs or steals. Pialat accumulates and saturates. A footnote: Pialat claimed Lumière as a father, but who could he claim as a son? Another great saturator like Belá Tarr in Satantango?
Let's stay in this kitchen for a while. On the wall, there's this swat of yellow, aggressive enough to make the retina squirm (if not "scream," as Pialat would have it). But that's the least of it. It's patterns all around. On the old woman's kitchen frock, on the tablecloth, on the curtains. And it's the same baroque accumulation in every room we'll visit. The minimal simplicity of this working-class home, where the drama of the foster child, Francois, is at loggerheads with the visual complexity of the patterns that fill and mold the space. A simple story, simply told and awkwardly played, in an amazingly, almost maddeningly, texturally busy space. What is Pialat doing? There is, of course, the anthropologist at work. A monograph on working-class taste, with its "and · and · and" fractured aesthetic (a "this pattern plus this pattern" accumulation where each element is savored for itself and vies for its own and where the whole and its aesthetics never operate by blending). But more important, there is someone who wants the retina to work anew every time. The film is entirely in this directorial gesture that forces the eye into a constant deciphering of patterns and thus imbues the space with a constant unfamiliarity. A Pialat scene in L'Enfance nue always puts the viewer through the same paces: we enter a space that is so texturally busy that it gains a surreal foreignness; we are given time to get familiar with it (the fact that life is the drama and that the scenes drone at the pace of life is a condition of this gift of time); and then we move again. We are made to experience what is at the core of the foster child's life: unfamiliarity/deciphering/displacement/unfamiliarity again. For Pialat, visual strategy derives from and contributes to drama. The pleasure of Pialat's film is, among other things, to see a director who never falls prey to the decorative, to see someone for whom visual strategy never collapses into the mournfulness of eye candy. A footnote: The radical difference between 400 Blows and L'Enfance nue? We are looking at Truffaut's imp. But we are seeing through the eyes of Pialat's.
Let's stay with the footnote for a moment. Because we are looking at the world as François does, we have little time to spoon too much saccharine onto him. L'Enfance nue is astonishingly devoid of sentimentality. We are with François in the world and just as eccentric to it as he is (in effect, the character spends more of his film life at the edge of the screen than at its center). Thus the fact that the pathos of Pialat's film is all the zig and the zag of disconnection and thwarted emotions. It has at its core an instability, a muted, latent violence, a skittish oscillation between love and emotional flight. And because we visually experience the world as François does, the only familiarity we gain is a familiarity with the fits of violence that punctuate his life. Pialat's problem is to get us there, not to provide judgment about it. To give us the normality of it and the nakedness of François's response. To throw light on a life molded by institutional fiat. The film gains its poignancy by eschewing all the trite and true paths to poignancy. Footnote: If Lumière enters the psychological realm, do we call him D.W. Griffith?
The kitchen scene, yet again. The old couple and the two boys. Nobody has been sent over by central casting. The nonpro, the amateur is, welcome here, in all his or her sumptuous awkwardness. The only rule seems to be authenticity. The shapes and looks of bodies and faces, the accents and tones are perfect on both sides of the age divide. And, yes, yet again, a strong sense of class fuses the whole thing together. But what's most interesting is the way Pialat makes it function, working off the awkwardness of these bodies and the unsettled delivery of these voices. The space he creates is a space where documentary and fiction mingle. And one gets a strong sense of how we got there. This old couple was listened to, patiently and carefully. And then they were asked gently to go through it again for the camera. And a setup was offered to anchor the scene: the woman sitting on the man's lap with the boys across the table. A spatial fictionalization of a documentary moment. And the scene will hit the right note with its very precarious staginess. There is with Pialat the sense that things are always cooked to order, that the scene is the result of some words just pronounced in front of the director, some gestures made just a day or so ago that have been collated in a visual setup of disarming simplicity. And it is in this simple setup that the transmutation of the real into the fictional happens, the subject turning actor of his or her own life (or some elements of it) onscreen. Thus this very peculiar feel of a Pialat scene, almost like watching a butterfly unfolding out of the chrysalis. One gets the sense that things have been rehearsed but rehearsed just enough not to get stale. Or more adequately said, that the director is intimately persuaded that it would be ridiculous to ask this old couple or these boys to "fall into character." It's simply (and here's where the heavy lifting comes in) a matter of providing adequate framing to flows of emotions all the more intense that they are not mimicked, that they are delivered by awkward gestures and voices that feel so completely authentic for always sounding as if they stood an inch to the left or the right of their own emotion. In L'Enfance nue, because nothing is strictly said and the ill fit between emotions and their expression is constantly explored, the body plays as crucial a role as in any Cassavetes film. Another footnote: A man who explores the potential of the amateur with such zeal and pleasure in his first film can only become addicted to it. It could not but make for stormy relationships with the pros he encountered later in life. Pialat's shoots were famous for their tension and the epic tussles he got into with his stars. He did well by them and managed to give them back some rough edges. A third footnote (thrown in as a contemporary signpost): Mystic River as cultivating an antithetical politics of acting.
Insist on the fact that poignancy is achieved and taken away in the same gesture. In Pialat's film, one doesn't rush onto the beach to see the sea à la 400 Blows, one is a voiceover that writes from the reformatory to a couple of aging foster parents. A perennial in-betweener hoping to be freed by Christmas. There is a ferocious cinematographic intelligence behind the conclusive inconclusiveness of L'Enfance nue, its refusal to submit to the pathetic of the fictional, and its incessant oscillation between fiction and documentary. An intelligence that likes to articulate drama more than it cares to illustrate it, and one that revels in triangulating its subject matter to do so. To talk about Pialat's realism, as some are fond to do, is only half of it. What's important is how much maneuvering gets into it, how Pialat circles around the material and multiplies the angles of attack. That's where its currency and its modernity lie.
terça-feira, 6 de junho de 2006
Os 100 melhores filmes da história do cinema pelo Ciné-club de Caen em 6 de junho de 2006:
A Caminho do Leste (D.W. Griffith, 1920)
Nanook, o Esquimó (Robert Flaherty, 1922)
Nosferatu (F.W. Murnau, 1922)
Nossa Hospitalidade (Buster Keaton & John G. Blystone, 1923)
A Corrida do Ouro (Charles Chaplin, 1925)
O Encouraçado Potemkin (Sergei Eisenstein, 1925)
O Grande Desfile (King Vidor, 1925)
Aurora (F.W. Murnau, 1927)
A General (Buster Keaton & Clyde Bruckman, 1927)
O Vento (Victor Sjöstrom, 1928)
A Caixa de Pandora (Georg Wilhelm Pabst, 1929)
Lucky Star (Frank Borzage, 1929)
Luzes da Cidade (Charles Chaplin, 1931)
Scarface - A Vergonha de uma Nação (Howard Hawks, 1932)
O Crime do Sr. Lange (Jean Renoir, 1936)
Cupido é Moleque Teimoso (Leo McCarey, 1937)
Vive-se uma só Vez (Fritz Lang, 1937)
A Regra do Jogo (Jean Renoir, 1939)
A Loja da Esquina (Ernst Lubitsch, 1940)
Núpcias de Escândalo (George Cukor, 1940)
Tempestades d'Alma (Frank Borzage, 1940)
Cidadão Kane (Orson Welles, 1941)
O Ídolo do Público (Raoul Walsh, 1942)
A Felicidade Não se Compra (Frank Capra, 1946)
Paixão dos Fortes (John Ford, 1946)
O Pecado de Cluny Brown (Ernst Lubitsch, 1946)
Alemanha, Ano Zero (Roberto Rossellini, 1947)
O Fantasma Apaixonado (Joseph L. Mankiewicz, 1947)
Fuga do Passado (Jacques Tourneur, 1947)
Sua Única Saída (Raoul Walsh, 1947)
Carta de uma Desconhecida (Max Ophüls, 1948)
Rio Vermelho (Howard Hawks, 1948)
Legião Invencível (John Ford, 1949)
Dizem Que é Pecado (Joseph L. Mankiewicz, 1951)
Cantando na Chuva (Stanley Donen & Gene Kelly, 1952)
Paixão de Bravo (Nicholas Ray, 1952)
Contos da Lua Vaga (Kenji Mizoguchi, 1953)
Desejos Proibidos (Max Ophüls, 1953)
Era uma Vez em Tóquio (Yasujiro Ozu, 1953)
A Roda da Fortuna (Vincente Minnelli, 1953)
Intendente Sansho (Kenji Mizoguchi, 1954)
Janela Indiscreta (Alfred Hitchcock, 1954)
Região do Ódio (Anthony Mann, 1954)
Canção da Estrada (Satyajit Ray, 1955)
O Mensageiro do Diabo (Charles Laughton, 1955)
A Palavra (Carl Dreyer, 1955)
O Tesouro do Barba Rubra (Fritz Lang, 1955)
Tudo o Que o Céu Permite (Douglas Sirk, 1955)
Viagem à Itália (Roberto Rossellini, 1955)
Rastros de Ódio (John Ford, 1956)
Tarde Demais para Esquecer (Leo McCarey, 1957)
Um Corpo Que Cai (Alfred Hitchcock, 1958)
Deus Sabe Quanto Amei (Vincente Minnelli, 1959)
Imitação da Vida (Douglas Sirk, 1959)
Os Incompreendidos (François Truffaut, 1959)
Intriga Internacional (Alfred Hitchcock, 1959)
A Aventura (Michelangelo Antonioni, 1960)
A Deusa (Satyajit Ray, 1960)
A Doce Vida (Federico Fellini, 1960)
Se Meu Apartamento Falasse (Billy Wilder, 1960)
O Ano Passado em Marienbad (Alain Resnais, 1961)
O Homem Que Matou o Facínora (John Ford, 1962)
O Desprezo (Jean-Luc Godard, 1963)
O Leopardo (Luchino Visconti, 1963)
O Evangelho Segundo São Mateus (Pier Paolo Pasolini, 1964)
Blow Up - Depois Daquele Beijo (Michelangelo Antonioni, 1966)
Persona - Quando Duas Mulheres Pecam (Ingmar Bergman, 1966)
Duas Garotas Românticas (Jacques Demy, 1967)
2001: Uma Odisséia no Espaço (Stanley Kubrick, 1968)
Era uma Vez no Oeste (Sergio Leone, 1968)
Os Maridos (John Cassavetes, 1970)
Gritos e Sussurros (Ingmar Bergman, 1972)
Amarcord (Federico Fellini, 1973)
A Mamãe e a Puta (Jean Eustache, 1973)
O Fantasma da Liberdade (Luis Buñuel, 1974)
Uma Mulher Sob Influência (John Cassavetes, 1974)
O Espelho (Andrei Tarkovsky, 1975)
O Passageiro - Profissão: Repórter (Michelangelo Antonioni, 1975)
O Inocente (Luchino Visconti, 1976)
Opening Night (John Cassavetes, 1977)
Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979)
A Mulher do Lado (François Truffaut, 1981)
Une chambre en ville (Jacques Demy, 1982)
Fanny & Alexander (Ingmar Bergman, 1982)
Paixão (Jean-Luc Godard, 1982)
Era uma Vez na América (Sergio Leone, 1984)
Nascido Para Matar (Stanley Kubrick, 1987)
Histoire(s) du cinéma (Jean-Luc Godard, 1989-1998)
Van Gogh (Maurice Pialat, 1991)
Conto de Inverno (Eric Rohmer, 1992)
A Época da Inocência (Martin Scorsese, 1993)
Infelizmente Para Mim (Jean-Luc Godard, 1993)
Smoking/No Smoking (Alain Resnais, 1993)
As Pontes de Madison (Clint Eastwood, 1995)
Conto de Verão (Eric Rohmer, 1996)
Hana-bi - Fogos de Artifício (Takeshi Kitano, 1997)
A Lenda do Cavaleiro Sem Cabeça (Tim Burton, 1999)
Cidade dos Sonhos (David Lynch, 2001)
Sobre Meninos e Lobos (Clint Eastwood, 2003)
Marcas da Violência (David Cronenberg, 2005)
sábado, 3 de junho de 2006
Narrativa contra mundo
“O que é o cinema?” André Bazin não nos diz. “O título dessa série, O que é o cinema?, não é tanto a promessa de uma resposta quanto o anúncio de uma questão que o autor se colocará a si mesmo. Esses livros não pretenderão oferecer uma geologia e uma geografia exaustivas do cinema, mas somente carregar o leitor numa sucessão de sondagens, explorações, sobrevôos praticados a partir de filmes propostos à reflexão cotidiana do crítico.”
Entretanto, apesar do aviso de Bazin, O que é o cinema? tornou-se um monumento do museu da teoria cinematográfica. Inútil da parte de Bazin negar toda intenção panteórica, seu título (e o título do volume 1: “Ontologia e linguagem”) continua inspirando aqueles que ruminam sobre a natureza do “cinema”, de todo cinema possível. Bazin mesmo toma uma direção oposta. Ele se concentra não no “cinema” ou na “ontologia”, mas num reduzido número de filmes particulares que ele conhece e ama, e que produzem os abalos sísmicos mais fortes em sua escala Richter daquilo que é o cinema.
O cinema, o que é? É o bom cinema. Os filmes favoritos.
De fato, a “teoria” é muitas vezes um argumento em favor de um amor – com pretensão à objetividade. Bazin louva Cidadão Kane por causa de sua composição em profundidade de campo? Ou ele louva a composição em profundidade de campo porque ele ama Cidadão Kane? Eu quero sugerir que a verdadeira teoria baziniana do cinema teria sido sua lista de dez melhores filmes.
Eis a minha:
Dreyer Gertrud
Ferrara New Rose Hotel
Ford Wagon Master
Jennings Diary for Timothy
Mizoguchi Gion bayashi
Murnau Tabu ou Sunrise
Ophüls Madame de...
Renoir French Cancan ou The River
Rossellini Voyage in Italy
Straub-Huillet a escolher
Vidor War and Peace
Von Sternberg Morocco [1]
Arbitrariamente, minha lista se limita a um título por cineasta. Podem me dizer que é menos uma lista de filmes do que uma de cineastas (e eles são mais que dez), e podem me fazer notar que o perigo do “autorismo”, como Bazin mostrou, é de dar maior importância à obra do que às obras, mas o próprio Bazin parecia se preocupar mais em identificar cineastas favoritos do que determinar qual, dentre seus filmes, era seu preferido. Como nos romances de Balzac, na música de Beethoven, nos quadros de Vermeer, temos a escolha entre numerosas obras, e em cada uma delas nós encontramos uma voz familiar. Assim, minha lista de dez melhores contém, de fato, implicitamente, centenas de títulos. Não é uma coincidência se se tratam dos mesmos cineastas (e de dezenas de outros...)
Eu não posso dizer o que meus dez melhores têm em comum, a não ser que eles parecem com a música que eu prefiro: rica, inventiva, emocional, física, cada nota “eficaz”. O essencial não é reconhecer uma voz familiar (realizador, compositor, intérprete). O essencial é fazer a experiência do “mundo” da obra particular – por qual eu não quero dizer somente os detalhes que dizem respeito aos lugares e pessoas como cada um dos títulos ao lado os cria. Por “mundo” eu entendo também as linhas que cria uma fuga de Bach, os ritmos de Wagon Master, os esguichos de cor em The River, a luz vacilante em Morocco, o sorriso de uma gueisha adolescente em Gion bayashi, o ciclo de acontecimentos em Diary for Timothy e War and Peace, os corpos arredondados em Sunrise e Tabu, as linhas de fuga à procura de alguma coisa além da imagem em Voyage in Italy.
Era ao mundo de Paisà que Bazin reagia, da primeira vez que ele viu o filme, quando ele deu sua melhor definição do que é o cinema: ele estava tão deslumbrado que ele não conseguiu pronunciar a palavra cinema. Godard o disse claramente (a propósito de um outro filme de Rossellini): “India é a criação do mundo.”
O cinema para mim, quando eu era criança, era isso. Um modo de acesso às emoções. Na Filadélfia nos anos 50, os filmes na televisão, “The Late Show”, depois “The Late Late Show”, me tornaram inapto a uma vida de nove às cinco. Eram principalmente filmes hollywoodianos dos anos 30 e 40. Eram mundos. Só eram histórias secundariamente. Jean Mitry disse claramente: “O romance é uma narrativa que se organiza em mundo, o filme um mundo que se organiza em narrativa[2].”
Eu nunca prestava atenção nos créditos. Pouco me importava quem eram os atores. Eu não lia os nomes. Eles podiam ser caricaturas ou abstrações. Não é que a arte me era indiferente; os filmes eram como as ilustrações dos livros, os quadros dos museus, com seres se deslocando ao som da música, graficamente, proclamando sentimentos, me carregando para seu mundo. Eu sabia que alguém fazia os filmes. Simplesmente, saber quem os fazia não me interessava. Eram os seres nos filmes que me interessavam. Era a experiência emocional deles no mundo narrativo do filme que imporgava. Pinturas em movimento.
Finalmente eu tive que abandonar a minha televisão para ir à Georgetown University. Lá eu encontrei a Teoria na figura de um condiscípulo que (contrariamente aos dois ou três outros estudantes da universidade que gostavam dos filmes “velhos”) falava dos realizadores (Hitchcock por principalmente). Nós fazíamos longas caminhadas juntos entre faculdade e sala de cinema. Eu citava nomes de filmes que eu gostava, um que eu tinha visto uma dúzia de vezes, e surpresa: a maior parte deles havia sido feita pela mesma pessoa, com o nome de John Ford.
Foi assim que eu vim ao “autorismo”. Pela porta dos fundos, por assim dizer. Alguma coisa que eu vivia há anos sem saber o que era. Se me perguntam hoje o que é o cinema, meu instinto é responder: “Uma experiência, uma sensação, uma pintura móvel com música, uma emoção, um mundo.”
*
A teoria do cinema, como já se notou, muitas vezes tomou precisamente as direções às quais Bazin e Mitry se opunham – as de uma teoria fundada na narrativa. Em particular entre os meios universitários anglo-americanos, em que versões caricaturais do autorismo são há décadas jogadas no ridículo, em que a experiência permanece exterior ao saber acadêmico, e em que a teoria foi a tal ponto mergulhada na meta-teoria literária e psico-literária que os próprios filmes só têm uma importância mínima (se é que eles têm alguma), a não ser como referência à teoria.
Essa orientação anti-baziniana, anti-empírica, está enraizada até em sua linguagem crítica. Que se considere um único exemplo, aparentemente inocente: dizer que se “lê” um filme ficou na moda.
Lê-se uma partitura. Ouve-se uma música. Pode-se ler uma partitura ouvindo, mas são duas atividades diferentes. Não existe nenhum meio de ler um filme; nós vemos imagens e ouvimos sons, nós participamos de intensas ações físicas. A leitura é diferente. A ingestão do cinema e da música é estética, física, e possui uma característica fugidia que, em contrapartida, nunca é um problema na leitura. Não é possível ler um filme.
Todavia, “ler” os filmes ficou na moda há trinta anos, quando a semiótica declarou que toda coisa é signo significando alguma coisa que ela mesmo não é. Tudo, assim definido, adquiria fragilidade. Perdeu-se na definição o concreto dos sentimentos, das imagens e dos sons (e dos fotogramas). Para compensar, a semiologia virou-se para os gêneros, as convenções e as ideologias, para os sistemas de signos, para a “linguagem”. Eterna involução.
A essa tendência, um dos fundadores do historicismo, Benedetto Croce, dizia não há um século. A verdadeira linguagem ou “poesia”, dizia ele (compreendendo assim a arte em geral), não tem signos. Um signo é um signo porque ele representa alguma coisa além de si mesmo; mas a poesia só representa ela mesma. Os signos se encontram na “prosa” – a pseudo-linguagem empobrecida da convenção, a linguagem da ciência.
As convenções não têm nada a ver com a arte, diretamente. A arte é autêntica, original, individual, dizia Croce. As convenções são coletivas – aquilo que todo mundo já sabe. Assim, estudar os gêneros é se interessar pela prosa de uma obra, e não por sua poesia. Quando nós notamos similaridades entre os faroestes, nós consideramos o aspecto prosa do cinema, não sua poesia; de fato, nós corremos o risco de nos desviar da arte. Pois a arte é a antítese da poesia. O que é notavelmente original para um estudante de belas artes pode ser um clichê esgotado para um estudante de “estudos culturais”. Um se ocupa do individual, o outro do geral. A atividade é artística no primeiro caso, científica no segundo. Nós queremos os dois.
Artisticamente, nós não aprendemos a apreciar uma pietà de Miquelângelo nos perguntando como ela difere cientificamente de outras pietà. É preciso fazer a experiência da pietà de Miquelângelo como se fosse o único objeto de seu gênero antes de poder arriscar comparações. É como fazer a experiência de uma pessoa. Será que eu faço a experiência da minha mulher, Phoebe, porque ela é Phoebe? Ou por causa da forma como ela é ou não é parecida com todas as outras pessoas no mundo? O primeiro caso é a poesia de Phoebe, o segundo sua prosa. O primeiro sua arte, o segundo sua ciência. Eu posso fazer a experiência de Phoebe ou eu posso teorizá-la.
Acontece da mesma forma com um filme.
Nós temos necessidade dos dois. Mas para que serve a ciência sem a arte? A teoria sem a experiência? Uma teoria de Phoebe sem Phoebe? Infelizmente, os estudos cinematográficos universitários hoje, no momento levados a cabo por sociólogos sem grande engajamento emocional com a arte, se destróem sozinhos nos desvios teóricos, lingüísticos e psicanalíticos porque eles não têm outra realidade além deles mesmos. Como a semiologia, que jamais pôde encontrar os semas, eles não sabem que dados reunir e classificar, nem mesmo sabem o que poderia se constituir como dados, porque esses dados são poesia, não prosa – únicos, não comuns. Os estudos culturais tratam necessariamente os filmes (e as pessoas) como propaganda, escolha que aniquila a experiência necessária para validar a ciência. A vida é reduzida ao reflexo de Narciso.
Entretanto, na vida nos conhecemos verdadeiramente pessoas: família, amigos, desconhecidos encontrados por acaso – mesmo se nós não podemos teorizá-los! De fato, nós consideramos natural que a experiência ultrapasse a ciência. Nós reconhecemos, mesmo se nós não podemos explicar cientificamente, que as relações Eu-Tu são diferentes das relações Eu-Isso, e que nossa relação com as obras de arte recai estranhamente entre esses dois.
Um desses ensaios de Bazin com inspiração mais teórica, “Ontologia da imagem cinematográfica”, encontra uma fonte da poesia do cinema na na nossa experiência da imagem cinematográfica como “o objeto ele mesmo, mas liberado das contingências temporais”. Mas a observação de Bazin se aplica muito mais a Renoir, a De Sica, a Rossellini e a Bresson (que acentuam muitas vezes as sensações de impressões luminosas objetivas e de observadores subjetivos), do que a uma grande parte do cinema comercial, e a Welles, Wyler, Chaplin – de cujos filmes Bazin era igualmente admirador.
Eu não tenho nenhuma necessidade do cinema para “capturar” a realidade. Existe mais realidade diante da minha janela do que em todos os filmes jamais rodados. O que a arte traz é uma sensibilidade em relação à realidade. O que se chama “realismo” no cinema não é a realidade capturada mas a presença sentida de um cineasta, a dialética entre o subjetivo e o objetivo. Uma pedra num rio tem tanta realidade objetiva quanto o Partenon em Atenas. Mas o que me impressionou quando eu vi o Partenon, o que nenhuma imagem dele tinha me levado a esperar, foi a experiência direta de sentir um pouco daquilo que era ser ateniense nos tempos de Péricles. Fazia eu a experiência de um gênero – a arte grega daquele período – ou de uma pessoa, Calícrates e Íctino, os arquiitetos?
De uma pessoa, sem dúvida nenhuma. A “arte grega” nunca existiu de outra forma a não ser como teoria, a não ser como sensibilidade em gregos particulares (“autores”). Nem a ideologia nem a cultura podem ser transmitidas de outra forma a não ser por indivíduos. Alguns de nós fazem a experiência de semelhantes sensibilidades com um livro, uma pintura, o Partenon, uma ópera ou um filme; outros não. É uma questão de escolha: fazer a experiência da poesia ou da prosa.
Existem numerosas objeções ao autorismo (que consiste em preferir Calícrates à “arte grega”) e todas são válidas, na medida em que elas começam por definir o autorismo em função das próprias objeções. Mas não basta subir na cadeira e proclamar para as massas pagantes que os autores, como as pessoas, não existem porque nós não podemos defini-los cientificamente ou porque tal ou tal professor nunca se interessou neles. Se você puder entrar num museu e reconhecer um Van Gogh antes de ter lido a placa, você é um autorista. Entretanto o autorismo incomoda os universitários, porque ele diz respeito à experiência, não à teoria, não a alguma coisa que se possa colocar num manual – a não ser por suas manifestações. O autorismo é um acesso formidável para compreender o estilo, a técnica e a expressão, os mundos de sentimento de um filme. Mas TV Guide, que tem uma tiragem de vinte milhões de exemplares a cada semana, continua quase nunca mencionando o nome dos diretores. E a maior parte das publicações de cinema utilizam fotografias publicitárias (“stills”) para ilustrar a arte de um realizador: existe uma placa mas não Van Gogh, nada além de uma aproximação imitativa. Imagine-se um livro, A arte de Van Gogh, ilustrado unicamente por imitações comercializadas de verdadeiros Van Gogh apresentados como autênticos? Não, porque não se “lê” Van Gogh. Mas isso acontece constantemente com os filmes e ninguém protesta.
Mesmo aqueles que admitem que certos filmes têm um “autor” não concordam com o sentido do termo. Com razão. Os autores são tão diversos quanto os humanos, e os instrumentos que convêm à análise de Ford não são aqueles que convêm para Rossellini. Uma teoria válida para todos os autores é tão inútil quanto uma teoria para todo o “cinema” – cuja definição muda com cada bom filme, se ele é da arte, se ele é humano. Uma teoria não deveria derivar de um conjunto delimitado de experiências (de modo que, por exemplo, da análise dos filmes de Ford se chegue a uma teoria do cinema fordiano) antes de ser imposta a priori por uma academia. André Bazin sugeriu um dia que a montagem é invisível no cinema hollywoodiano, e durante décadas houve pessoas supondo que elas não deveriam prestar atenção na montagem, e que consequentemente a ignoravam. Certamente não era essa a intenção de Bazin. Mas sugestões que se perdem na fumaça de um café parisiense têm uma certa forma de reaparecer gravadas no mármore das universidades anglo-americanas. Se partimos de posições teóricas, toda esperança de experiência é diminuída, como se abordássemos a música com a firme intenção de negligenciar o ritmo.
Existem tantas definições de autorismo quanto autores. “As pessoas se enganam quando elas comparam um realizador a um autor. Se ele é um criador, é mais como um arquiteto”, disse John Ford. Um filme tem tantos autores quanto há pessoas que nele deixam marca: atores, fotógrafos, decoradores, produtores, roteiristas. Considerar o diretor como autor é útil pela riqueza de experiência que daí pode resultar – o mundo do filme[3].
Tag Gallagher
(Trafic nº 50, maio 2004)
...
1. Mais Antonioni, Bresson, Godard, Griffith, Hawks, Hitchcock, Ozu, Sirk, Walsh...
2. Jean Mitry, Esthétique et psychologie du cinéma, Editions Universitaires, 1965, t. II, p. 354. Em outros termos, a literatura é fundamentalmente ação; seus mundos são definidos por formulações de acontecimentos. Mas num filme, como num quadro, o mundo está lá desde o começo; nós reunimos fatias do mundo para formar uma história. Henry James, falando certamente de romances, não de filmes, escreve: “O personagem, seja qual for o sentido no qual o alcançamos, é ação, e a ação é intriga.” Mas nos filmes o que uma pessoa faz é muitas vezes menos importante do que quem ela é ao fazê-lo. Os personagens são intriga no romance; mas nos filmes eles são mundos.
3. Filmes citados:
Cidadão Kane (Citizen Kane, 1941), de Orson Welles
Gertrud (1964), de Carl Theodor Dreyer
O Enigma do Poder (New Rose Hotel, 1998), de Abel Ferrara
Caravana de Bravos (Wagon Master, 1950), de John Ford
A Diary for Timothy (1945), de Humphrey Jennings
Os Músicos de Gion (Gion bayashi, 1953), de Kenji Mizoguchi
Tabu (1931) e Aurora (Sunrise, 1927), de Friedrich Wilhelm Murnau
Desejos Proibidos (Madame de..., 1953), de Max Ophüls
French Cancan (1955) e O Rio Sagrado (The River, 1950), de Jean Renoir
Viagem à Itália (Voyage in Italy, 1955), de Roberto Rossellini
Guerra e Paz (War and Peace, 1956), de King Vidor
Marrocos (Morocco, 1930), de Joseph Von Sternberg
Paisà (1946), de Roberto Rossellini
India (1959), de Roberto Rossellini
quinta-feira, 25 de maio de 2006
Barry Lindon (S. Kubrick)
[Nota bene: Avec une belle régularité, tout au long de l’article, le titre du film est orthographié «Barry Lindon». Lire en fait «Barry Lyndon»...] Il y a toujours eu une profonde moralité, à la fois mercantile et humaniste, du cinéma hollywoodien, selon laquelle une fiction ne doit jamais travailler à perte, qu'elle doit être, de quelque manière, édifiante. On s'en aperçoit aujourd'hui, avec le film catastrophe, où le gâchis d'argent, de décors, de talents, est compensé par un gain inouï, inestimable: face à l'apocalypse déchaînée sur l'écran, il se pense obscurément, du côté des spectateurs, quelque chose comme « nous ne sommes qu’un ». Unanimisme du spectacle hollywoodien, exigence d'un assentiment profond, moral, sentimental, à des idéaux collectifs dont la fiction doit (c'est sa règle, sa loi) assurer au spectateur le bonheur de la rencontre. En apparence, Barry Lyndon est fidèle à cette grande norme hollywoodienne. Sa fiction, qui se déploie en une vaste fresque historique, peut passer pour porter une moralité - l'ascension et la chute d'un arriviste - comme support d'une méditation pessimiste, distante et hautaine, sur les grandes valeurs du monde. De quoi faire crédit à Kubrick d'être un grand auteur crépusculaire, et son film un testament, un recueil de pensées sur le monde: un beau cadeau pour les spectateurs, et les critiques, en fin de compte. Or, c'est un film qui se dérobe de toutes les manières possibles. D'abord, visiblement, par un excès d'hétérogénéité dans sa forme, contraire au réalisme hollywoodien: les tableaux, les plans, ne cadrent pas les uns avec les autres, les uns par excès de picturalité, les autres par excès de vérité archéologique. Ces distorsions ne sont pas décoratives, en tout cas n'ont rien à voir avec le décoratisme hollywoodien, qui est toujours utilisé soit dans le sens de magnifier, scéniquement, les personnages, soit d'enrichir les fonds de notations historiques, de personnages secondaires, à leur avantage, à celui de cette glorieuse figure féodale qu'est la star. Visiblement, dans Barry Lyndon, le luxe des plans ne sert pas les personnages, ne les encadre pas dans une posture glorieuse. Leur richesse tendrait plutôt à accentuer le peu (ou le moins) de gloire de cette histoire, à marquer d'un accent de dérision les personnages et leurs actions. Mais surtout, l'excès de vérité archéologique, l'hyperréalisme des scènes de genre (le parler, le maquillage, les manières d'époque), loin de leur donner l'accent de la désuétude et le charme de l'imagerie rétro (la jouissance des maîtres d'un autre temps), les affecte d'un coefficient d'étrangeté (ethnographique): celui de séquences sociales, de rites, de codes dont le sens serait perdu. De valeur nulle, donc, pour le spectateur, au regard du pouvoir de l'Imagerie rétro d'évoquer au passé la jouissance des maîtres, et d'être au présent le signe de leur gloire, voire son message: pour autant que la mode rétro, en tant que valeur sociale, a bien le sens, aujourd'hui, d'une promesse - celle de la perpétuation d'un plus - de - jouir, marquée symboliquement par une resacralisation des valeurs de luxe de la bourgeoisie.evenir lui-même un aristocrate, en pure perte. L'étrangeté de l'histoire tient moins à cette thématique de la carte truquée, de la mésalliance et de la mauvaise fortune, qu'au fait que le film se déroule sous le signe du trucage, de l'étrange, du semblant, pour s'achever sur la non-reconnaissance, la mutilation, la folie, et que son écriture, l'angle d'attaque et la ligne de fuite de chaque séquence, la tournure du récit font surgir des situations un supplément de frayeur. L'irruption des masques effrayants et grotesques, de la violence, de la mort, la prise du personnage dans un réseau de machines sociales infernales et de procédures où il se perd sans le savoir, se font aussi dans des opérations d'écriture à fond perdu, d'un catastrophisme secret: la parade militaire, la rencontre avec le chevalier, la mort de l'enfant, la signature, déroutent par l'indécidabilité du sens du rictus de l'officier, du masque poudreux, du visage martien, et pour finir, d'un acte juridique transi par la folie. Il ne s'agit pas d'opérations registrables par le spectateur dans les termes d'un gain de connotation, de recul critique par rapport aux personnages, ou de dérision par rapport au mélodrame, et à la scène hollywoodienne, mais de sursauts d'ironie qui touchent le spectateur au vif de sa conviction: qu'à défaut d'une moralité de situations (compromise par la vacuité psychologique des personnages), il peut compter sur une moralité du récit, sur une juridiction de son sens, qui fait défaut aussi. Chaque fois qu'il y va de la rencontre (de la tuchè), les masques s'imposent comme figures de non-sens, chaque fois que le récit en vient au moment de proférer sa moralité, la platitude des images, du commentaire off, la dérobe. Jean-Pierre OUDART Cahiers du Cinéma, n° 271, novembre 1976. Pages 62-63.
sábado, 20 de maio de 2006
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sexta-feira, 19 de maio de 2006
MISSION TO MARS de Brian de Palma / 2000
"J'ai trouvé que cette histoire relatant l'évolution de la vie sur Terre, à partir d'éléments qui auraient dérivés de la planète Mars, en guise de graine originelle, était passionnante. Cela m'offrait l'opportunité de faire un film d'aventures spatiales bien plus réaliste que ce que l'on voit depuis quelque temps. L'un des films de mon enfance dont je me souviens, avait pour titre "Destination Lune" (film américain de science-fiction (1950) de Irving Pichel interprété par John Archer, Warner Anderson et Erin O'Brien-Moore) et il était très précis par rapport au thème du voyage dans l'espace. "2001" me semblait lui aussi très rationnel, très réaliste sur ce sujet, puisque sa rigueur allait jusqu'à respecter les lois de la physique. C'est dans un esprit similaire que je souhaitais aborder ce projet, mais également illustrer l'une des nombreuses théories liées à la planète Mars, à son histoire et à sa relation avec notre propre planète." (*1)
Dans la suite de l'entretien, le cinéaste Brian De Palma évoque ses choix artistiques concernant la fin du film et la "fameuse" rencontre, tant, à tort, décriée, moquée, huée (*2) : "Pour moi, c'était une question de foi. Si vous abordez un tel film sans y croire, vous ne pourrez pas éviter ce que vous venez d'évoquer. (le journaliste faisait référence aux propos de spectateurs et critiques qui parlaient de "sensiblerie" voire de "caricature" lors de l'arrivée du Martien) Il fallait privilégier l'idéal de pureté qui accompagne ces types lorsqu'ils partent dans l'espace. Je pense que c'est peut-être le seul challenge demeuré intègre pour l'humanité. Ces hommes sont héroïques, surentraînés, dédiés à leur cause. Ils accomplissent un acte dont ils ne pouvaient que rêver auparavant. Lorsqu'ils arrivent sur ces lieux où nous ne mettrons jamais les pieds, et découvrent des choses que nous ne verrons jamais, il en résulte pour eux une vision quasi-mystique. J'en ai discuté avec de nombreux astronautes qui ont pu me le confirmer. Si vous abordez tout cela comme certains critiques l'ont fait aux USA (malheureusement les critiques françaises, à l'exception notamment des revues Les Cahiers du cinéma, Positif et L'Ecran fantastique, ont également raillé cette fin pourtant admirable) vous en aurez une perception ridicule car cela ne fonctionnera pas pour vous. Je n'ai pas voulu faire de sensiblerie mais simplement mettre en évidence la façon d'être profondément authentique de ces gens. C'est une science pure."
Il n'est jamais très facile d'évoquer Mission to Mars sans penser aux critiques qui se sont déchaînées contre ce film. Brian De Palma fut accusé d'avoir pillé le film de Stanley Kubrick et d'avoir mis en scène une fin d'une mièvrerie sans précédent. D'autant que le film est considéré comme une commande pour son auteur sur lequel, il est exact, il est arrivé tardivement après le désistement du réalisateur Gore Verbinski. Autant écrire que même certains des plus ardents défenseurs du cinéaste n'ont que très moyennement apprécié cet opéra spatial. Présenté au Festival de Cannes hors-compétition, le film avait également déclenché de nombreux sarcasmes dans le public notamment lors de l'apparition de la Martienne. Quant aux critiques américaines et françaises, hormis les trois revues (et peut-être d'autres) citées précédemment, toutes ont fait de Mission to Mars le nanar de l'année couronné d'une citation aux Razzies Awards. Le public, par ailleurs, refroidi par l'accueil catastrophique du film, ne se précipita nullement dans les salles.
L'engagement de l'étude qui va suivre est de porter un regard objectif sur le film, avec un recul de cinq années, ce qui me semble nécessaire afin d'appréhender et de commenter à nouveau une œuvre tant décriée. Je n'ai nulle intention de convaincre les réfractaires, encore moins de proposer une succession de louanges dithyrambiques au film, ce qui nuirait considérablement à mon travail de commentaire et d'analyse. Mon objectif est de proposer une étude analytique se concentrant sur tous les thèmes abordés par le film et de le replacer au sein de l'œuvre de Brian De Palma. Car sous ses aspects purement commerciaux, se cache derrière Mission to Mars un authentique trésor d'une belle richesse cinématographique et thématique, qui ne s'entretient rien d'autre qu'avec des thèmes humanistes et universalistes, mais aussi et surtout, avec la plupart des obsessions de son auteur: les rêves de l'enfance et le réalisme du temps, la perte de l'être aimé, la loyauté et le dévouement, la métaphore cinématographique, l'imaginaire et les images de l'esprit. Car le film ne parle de rien d'autre que de deux thèmes universels: la concrétisation des rêves de l'enfance et la foi en l'amour.
Des rêves de l'enfance
N'y a-t-il rien de plus beau et de plus émouvant que de voir un enfant, un soir de Noël, ouvrir l'un de ses cadeaux et de contempler, brillant dans ses yeux, une émotion nouvelle qui lui donnera l'envie d'appréhender l'univers comme un tout. L'une des images, l'un des souvenirs qui hante l'esprit de Jim McConnell alors qu'il s'apprête à retrouver sa femme à l'autre bout de l'univers, est celle-ci. L'enfance, son premier jouet, une fusée spatiale, son premier songe de découverte, sa foi en son envie de devenir un astronaute et de parcourir le ciel, l'espace, les étoiles et de vivre, avec des émotions simples, le rêve de tout homme. Car, lorsque Brian De Palma, lors de la scène dans le planétarium, effectue un très long travelling arrière, il part des yeux remplis d'émotion des personnages pour s'achever sur les milliards d'étoiles qui parsèment l'espace.
Car tout le film se fonde sur cet esprit de découverte, sur les rêves de l'enfance. C'est une aventure humaine que nous décrit Mission to Mars, tout simplement, qui puise son origine dans l'imaginaire de l'enfance. A l'image de la petite fusée en plastique envoyée dans le ciel, le soir de la fête de départ du premier équipage pour Mars. Une illusion qui s'entretient avec des envies épanouies de parcourir un autre monde, une autre forme de vie humaine ou végétale, ce désir de pouvoir transcender les lois de l'imaginaire. Une illusion, une petite fusée qui en explosant laisse jaillir un feu d'artifices de couleurs, qui traduit ce que le cinéma de Brian De Palma a de plus allégorique. Mais dans le cas présent, cette ouverture spectacle, magique au sens le plus pur du terme, ne cache pas une histoire cynique. Elle explicite la beauté d'un instant où les rêves les plus enfouis des hommes vont enfin se concrétiser d'ici quelques heures. Car le cinéaste aime faire commencer ses films par des images illusoires, trompeuses ou des rêves et cauchemars (le jeu télévisé de Sisters, le rêve sexuel de Pulsions, la série Z de Blow Out, un autre tournage de série Z dans Body Double, un écran vidéo dans L'Esprit de Cain). Le cinéma de Brian De Palma s'entretient avec les rêves et les cauchemars, les illusions et les images, mais aussi et surtout avec l'interpénétration de ceux-ci dans une réalité bien concrète, parfaitement établie.
L'ouverture de Mission to Mars, une fête d'astronautes autour d'un barbecue, traduit toute l'idée autour de laquelle s'articule le film: la simplicité et la foi en une croyance. Le cinéaste a refusé de montrer l'entraînement des astronautes car il ne souhaitait pas faire une apologie. Il désirait simplement nous conter une histoire d'hommes qui vont être confrontés à leurs rêves, mais aussi au danger. C'est une aventure grandiose et humaine. Aussi, en un long plan séquence, le cinéaste nous dessine le portrait de plusieurs femmes et hommes qui discutent de leur vie quotidienne, de leurs aspirations et attentes, tout en conservant à l'esprit leur mission prochaine. La petite fusée qui symbolise l'enfance a explosé en plein ciel. A présent, ils sont tous confrontés à leur propres choix mais avec une excitation jouissive de partir, enfin.
Jim McConnell arrive en retard à cette soirée en l'honneur des partants de la première mission, car sa femme est décédée peu avant le départ. Cette dernière aussi s'était entraînée afin de s'envoler vers Mars. Jim arrive à la soirée et évoque sa souffrance, son rêve brisé de pouvoir conquérir Mars avec sa femme. La perte de l'être aimé est un autre thème récurrent de l'œuvre de Brian De Palma. Deux fois le film abordera cette obsession tragique du cinéaste, avec le suicide de Woody Blake afin de sauver ses amis alors que la sonde est en perdition. Deuxième déchirement après celui vécu par Jim McConnell. La mort précoce de la femme de Jim a mis des doutes dans sa foi. Il se refuse à partir, en même temps qu'il désire lui rendre hommage en accomplissant la mission. Cet homme blessé ne cessera de se vouer à son amour, et de retrouver par son deuil et tout au long du voyage, sa croyance en son idéal. Car il garde secret au plus profond de son âme, un espoir, celui de pouvoir la rejoindre à l'autre bout de l'univers. Tout son investissement, tout son courage, tous ses désirs de poursuivre cette épopée, se nourrissent de cette impénétrable foi en l'amour. L'innocence d'un enfant qui croit en ses rêves se concrétise à présent en une croyance qui permet à Jim de surmonter toutes les épreuves afin de s'unir pour toujours avec la femme aimée.
Le film se fonde sur l'imaginaire de l'enfance, car il ne cesse d'évoquer et d'invoquer l'accomplissement du rêve et de la foi à travers un regard qui se voue autant à l'inaccessible qu'à l'inimaginable. Ce qui peut apparaître comme terriblement naïf révèle en fait toute la sincérité de son auteur qui croît en la capacité de l'homme à transcender l'imperceptible en une connaissance, par la conscience, de l'imaginaire, en dépassant toutes les lois de la raison pour tendre vers la fable. Alors que le réalisme quasi documentaire du film s'entretient avant tout avec le rationalisme du monde des adultes, toute la dernière partie qui se déroule sur Mars, au sein de ce planétarium, est dédiée à la fable utopiste qui se fonde sur les croyances de l'enfance. Ce qu'il y a de sensible dans ce film, ce n'est nullement la caricature qu'ont pu évoquer la plupart des critiques. Bien au contraire, c'est l'existence de ses propres croyances. Tous ces astronautes, comme l'évoque le cinéaste, croient en leur mission car ils ont la foi de découvrir une beauté qui n'appartient pas aux lois de notre monde. Ils ont la conviction de pouvoir partir à la rencontre d'une nature différente, avec laquelle ils pourront nouer un contact. Le cinéaste opère une transition cinématographique qui rompt avec l'aspect réaliste de la mission dans le vaisseau, mais qui, au final, ne fait que créer ce que tous avaient pu imaginer. D'autant qu'il y a une identification avec la Martienne qui apparaît comme la mère de tous les hommes et propose de s'unir dans la foi de l'humanisme universaliste.
Entre la trace dessinée par le pied de Jim, au début du film, sur la terre et la rencontre avec la Martienne, il n'y a finalement qu'une seule et même croyance: laisser une marque de son passage afin de perpétuer, après avoir appris et créé, s'enchaînant sur une ellipse saisissante avec la vue du sol martien. Concrétisation d'un fantasme, d'une espérance.
De l'union et de la filiation
Mission to Mars se fonde sur un autre thème récurrent du cinéma de Brian De Palma: l'union et le transfert. Dans Pulsions, lorsque Kate Miller est assassinée dans l'ascenseur par "Bobby", la porte s'ouvre à un étage. La jeune prostituée interprétée par Nancy Allen découvre le corps gisant qui lui tend la main, afin qu'elle puisse l'attraper et la sauver. Cependant, le plus frappant dans cet instant est le regard des deux femmes qui se contemplent. Le cinéaste insiste sur les yeux de chacune d'entre-elles et nous comprenons à ce moment qu'il y a un transfert. La jeune femme est chargée par la victime de découvrir son meurtrier. Même constat dans Furie où Amy Irving est chargée de venger le fils de Kirk Douglas ou bien encore entre Jim Malone et Elliott Ness dans Les Incorruptibles. Dans l'œuvre de Brian De Palma, le transfert des volontés passe par l'union et la filiation. Dans Mission to Mars, plusieurs scènes reprennent ce schéma narratif. Si dans les films cités ci-dessus, le transfert se fait toujours des plus anciens vers les plus jeunes, celui-ci est différent dans Mission to Mars dans la mesure où il offre une autre dimension, ne se fondant nullement sur la parenté (filiation parent-enfant) mais sur l'union amoureuse, s'inscrivant dans la logique thématique du film.
• L'évocation du souvenir de la femme de Jim. Elle a chargé son mari, avant de mourir, de poursuivre son rêve par sa présence, sa mémoire. L'union n'est pas scindée et demeure à travers les pensées et la croyance.
• La première mission est décimée par le vortex (phénomène électromagnétique) et le transfert se fait par l'intermédiaire des informations fournies par les ordinateurs.
• Il y a une composition de l'union par la danse en apesanteur. Les corps en mouvement perpétuel se touchent, se croisent, évoluent dans un instant qui n'est pas soumis aux lois. Il y a une forme de libération des esprits et des corps dans un contexte réaliste et métaphorique. D'autant que c'est Terri et Woody qui s'adonnent à cette danse qui symbolise toute la beauté de ce couple, idéal aux yeux de Jim. Réalisme, car le cinéaste a filmé dans une centrifugeuse (à la différence de Stanley Kubrick qui a filmé en apesanteur) dans une situation qui le demande (la roue gravitationnelle) et métaphorique, car en ce court instant, les personnages substituent les difficultés du voyage à une nouvelle plongée dans leurs rêves. Il y a un oubli de la condition au profit de l'émotion humaine pure.
• Le suicide de Woody lors de son sauvetage avorté. Sa femme lui lance le câble de survie, mais celui-ci est trop court et l'astronaute ne peut le saisir. Il y a rupture dans l'union maritale, mais le cinéaste effectue un parallélisme avec l'état de Jim. Woody se sacrifie pour la vie de sa femme. Il y a un transfert de la foi. Woody et Terri qui offraient dans le vaisseau tout le calme et la plénitude face à l'omniprésence du danger (la pluie de météorites).
Dans le planétarium, la Martienne humanoïde demande à tous les protagonistes – et notamment à Jim - de se donner la main et de faire un cercle autour de la Terre. C'est une union humaniste et universaliste autour d'un absolu, d'un tout.
• La nouvelle union entre Jim et sa femme, alors qu'il est plongé dans ce liquide avant sa montée dans le vaisseau qui l'amènera vers sa femme. Il y a deux plans bouleversants, d'une absolue beauté par leur simplicité et leur nécessité: le levée du voile de mariée de la femme de Jim puis le contre-champ sur le regard de Jim qui comprend qu'il va la rejoindre pour l'éternité.
La perte de l'être aimé
Elle est une obsession majeure dans le cinéma de Brian De Palma. Depuis ses premiers films, Phantom of the Paradise (Winslow Leach ne pourra jamais aimer Phénix car, défiguré, il a dû pactiser avec Swan), Obsession (Courtland doit se résoudre à la mort de sa femme), Blow Out (Jack Terry ne pourra sauver Sally), la perte de l'être aimé hante l'œuvre du cinéaste. Dans Mission to Mars, le cinéaste en propose deux lectures:
• La première est celle de Jim qui a perdu sa femme peu avant le départ de la mission. A l'image de Courtland, il culpabilise mais ne sombre nullement dans l'obsession. L'optique résolument plus optimiste du cinéaste le conduit à transformer ce deuil en une foi. D'autant que Jim a la conviction intime de pouvoir la rejoindre au cours de ce voyage.
• La deuxième est en revanche plus tragique: il s'agit de celle de Terri qui ne pourra pas sauver Woody, lors de la tentative de récupération du Remo dans l'espace. Woody sacrifie deux fois sa vie: pour sauver son équipage en accrochant le câble de survie au Remo puis, alors qu'il dérive dans l'espace, il retire son casque, afin que sa femme ne prenne pas de risques pour le sauver, se sachant condamné.
L'omniprésence de Maggie dans l'esprit de Jim n'est jamais traitée par le cinéaste sur un mode pessimiste, plutôt fondée sur l'espérance. En revanche, le double sacrifice de Woody pour ses amis et sa femme relève du romantisme tragique, qui clôt Blow Out. A la différence que Brian De Palma inverse les rôles: ce n'est plus l'homme qui perd sa femme, mais le contraire. D'autant plus qu'au contraire de Jack dans Blow Out, Woody ne se sert pas de sa femme afin de l'aider à résoudre une énigme. Le cinéaste a volontairement déplacé sa lecture du romantisme tragique afin de faire de ce sacrifice une douleur humaine dénuée de tout cynisme. Brian De Palma évoque la souffrance la plus intime, le deuil, la séparation d'un couple, le don de soi, l'éternité par la glaciation du visage de Woody. De même, le cinéaste privilégie les longs plans sur le regard qui traduisent toute la détresse des cœurs et des âmes en pleurs. De longs moments de cris, de déchirements.
Dans le cas de Jim, ses retrouvailles avec Maggie passent par un long voyage et le défilement des images de la vie. Le cinéaste plonge son personnage dans un liquide afin de donner une dimension biblique, fondée sur le thème de la résurrection par l'amour, à son personnage. En quittant le monde de ses amis, il revoie tout le film de sa vie et celui de sa femme. De l'enfance (l'ouverture des cadeaux avec la fusée, Maggie enfant qui regarde Mars à travers son télescope), à la vie adulte (célébration des anniversaires, les moments forts du couple, avec l'entraînement, la joie de vivre, la concrétisation du rêve) jusqu'au mariage avec la dernière image de cet album souvenir de sa vie: la levée de voile de Maggie. Une nouvelle union entre ces deux personnages, une deuxième chance, un amour retrouvé, désespéré avant le départ vers Mars et célébré au moment de cet envol vers une galaxie plus lointaine.
La métaphore cinématographique
Toute l'œuvre de Brian De Palma s'entretient avec le cinéma, la mise en scène, l'illusion et la métaphore du cinéma par les images et les rêves. Mission to Mars s'entretient avec les rêves. Nous l'avons déjà expliqué. Dans tous ses films, le cinéaste ne cesse d'explorer les multiples possibilités d'appréhender et de comprendre le cinéma par les diverses potentialités de lecture d'une image cinématographique, à travers le fantasme voyeuriste (Carrie, Body Double), les faux commencements par le film dans le film (Blow Out, Body Double), les images de télévision (Hi Mom, Sisters, Snake Eyes), d'un écran vidéo (L'Esprit de Caïn), les cauchemars ou les rêves pervertis (Pulsions), la mise en scène d'une situation de simulation (Mission impossible), la mise en scène théâtrale (Dionysus in 69'). Mission to Mars n'est pas un film qui s'entretient avec le cynisme ni avec aucune forme de manipulation. Puisque les exemples cités précédemment s'entretiennent avec la volonté du cinéaste de démontrer au public que le cinéma et les images cinématographiques sont manipulées, manipulatrices et proposent la multiplicité des points de vue en même temps que leur propre éclatement en fonction des interprétations possibles.
Mission to Mars se refuse à ce constat, à cette théorie. La première "fausse" image du film, une fusée en plastique lancée au-dessus du jardin de la fête de départ démontre certes, que le cinéma est une illusion à travers la représentation de la réalité dans un film (thème récurrent dans l'univers du cinéaste, la confrontation du rêve et de la réalité sous forme de métaphore rêve et réalisme; comment traduire la réalité par des images illusoires et le montage; le cinéaste essaie ainsi de traduire le plus fidèlement possible des moments de réalité par les plans-séquences, qui ne sont pas montés et par lesquels l'image enregistre, sur une durée définie, une certaine forme de réalité puisque là encore la caméra filme une réalité mise en scène). Dans le cas présent, la petite fusée "feu d'artifices" symbolise la pensée du film, liée à l'enfance, aux rêves et aux croyances qui animent l'esprit de ces hommes et femmes. Cette fusée miniature s'entretient avec le cadeau que reçoit Jim dans son enfance.
La métaphore cinématographique du film se situe lors de la toute dernière partie et prend une dimension cinéphilique et absolue, car elle réunit sous la forme d'une quintessence tous les liens qui y sont rattachés: l'image cinématographique comme illusion, le film comme projection mentale issue de ses émotions, de ses sentiments, de ses pensées, de ses rêves, la foi en son idéal, le spectacle et la mise en scène. D'autant que lié à la mythologie martienne, le planétarium apparaît dans un visage.
Jim, Terri et Luke pénètrent dans le visage. Une salle immense, blanche, les entoure. Ils retirent leur casque. Ils peuvent respirer normalement. A ce moment s'ouvre sous leurs yeux une autre porte, large, rectangulaire et apparaît un écran noir, l'infini. La métaphore du commencement d'un film en même temps que la pénétration dans un rêve est évidente. Les trois personnages s'avancent et se rendent compte qu'il s'agit d'un planétarium. Ils cèdent à la réalité pour s'introduire dans un monde cinématographique qui répond à toutes leurs interrogations, à tous les fantasmes, à toutes leurs croyances. Ils sont au cœur de leur propre esprit en même temps que celui de la mythologie martienne. Ils évoluent au sein même d'une utopie qui s'est concrétisée par leur regard, car elle est le remerciement à leurs croyances. La frontière séparatrice entre le rêve et la réalité/le film et le réalisme est abolie. Plongés dans un état de rêve éveillé, à présent, ils vont rencontrer celle qui est présentée comme la Mère de tous les hommes. Afin de renforcer plus encore l'aspect onirique, d'images mentales/cinématographiques, projetées, le cinéaste crée la Martienne sous une forme numérique, afin d'en faire une représentation symbolique. Lorsqu'elle montre aux trois personnages la création de la Terre, Brian De Palma propose à ceux-ci de tendre et de rejoindre l'espèce originelle, quelque part dans l'univers. Ce départ/retour vers celle-ci passe par une immense boule d'énergie électromagnétique qui doit les propulser vers l'hyper-espace. En faisant de sa Martienne un personnage humanoïde, le cinéaste explique en quoi, par la création onirique des planètes de cette séance à la rencontre de la découverte de l'origine de la vie sur Terre, elle et eux ne font qu'un. Enfin, la morphologie de la Martienne se rapproche des ADN mutuels des hommes (symbolisés dans le film par un autre "jouet" lié à l'enfance, à l'innocence, des "M'n'Ms") et explique en quoi elle leur propose ce voyage à travers le temps.
Seul Jim acceptera, car il désire retrouver Maggie. Tout au long de ce film de la vie, il y a une initiation des personnages à la compréhension de l'univers. Le cinéaste expose une théorie parmi d'autres, mais en laquelle il croit fermement comme le confirment les différents entretiens qu'il a accordé aux journalistes et critiques. Cette boule d'énergie qui conduira Jim à bord de son vaisseau vers l'hyper-espace se concentre à partir de l'esprit de l'immense visage mythologique, ce qui ne peut que confirmer l'évolution dans un esprit.
Brian De Palma reprît encore plus explicitement cette métaphore de l'écran de cinéma et de la pénétration dans un film, dans une autre de ses œuvres qui s'entretient également avec l'onirisme, Femme Fatale. Lors de la première scène filmée en plan-séquence (puisque Femme Fatale est construit en une multitude de plans-séquences pour chaque scène; notamment dans le bureau de l'ambassadeur, au commissariat), Laure et Black Tie sont dans la chambre d'hôtel et ce dernier lui explique une ultime fois l'organisation du vol de bijoux. Alors que le monologue du personnage se termine, il relève un immense rideau, très large et laisse apparaître le Palais des Festivals de Cannes et la montée des marches. La caméra s'approche et franchit la baie vitrée: il y a une première pénétration dans le rêve/ rêve cinématographique de Laure.
De la contemplation des corps en mouvement et de l'immensité
"Vous avez eu recours à de tels effets de caméra pour la très longue séquence de générique du début où le regard passe successivement d'un protagoniste à l'autre: cela avait-il pour objet d'impliquer d'emblée le spectateur dans le récit?"
Brian De Palma:
"C'est sans doute le seul moment où je pouvais faire un tel plan, car nous étions sur un site naturel réellement spacieux, et cet espace permettait à chacun des personnages d'évoluer naturellement, et donc de se dévoiler aux yeux du spectateur qui capte ainsi rapidement leur tempérament dans leur façon de se comporter sur Terre durant les ultimes moments qu'ils y passent avant de s'envoler pour Mars." (*3)
Le cinéaste contemple, fasciné, des corps en mouvement, libérés de toutes contraintes et filme le chevauchement, l'évolution de ces hommes et de cette femme, en apesanteur, s'adonnant à la liberté la plus absolue de pouvoir se mouvoir, posséder, transmettre. La caméra de Brian De Palma également en apesanteur et libérée des contraintes techniques, capte cette magie en refusant l'empressement, en rejetant l'immédiat afin d'immortaliser, de poétiser, la fluidité de la gestuelle, la pureté visuelle et l'imagination de l'extension des formes. Le cinéaste s'applique à créer des équivalences visuelles par le flottement de la caméra autour des personnages en apesanteur. Les personnages, notamment lors de la scène de la danse, flottent et volent dans le vaisseau et revendiquent la libération de leur corps par un rejet constant de l'enchaînement. Brian De Palma filme le réalisme de la situation en la transcendant par des représentations visuelles qui tendent vers une forme contemporaine de réalisme poétique. Cette navette spatiale déshumanisée et glaciale prend vie par la recherche visuelle, la fluidité, la pureté des mouvements de caméra. Aussi et surtout, par le bouillonnement de vie de ses personnages. Autant la souplesse des corps que la rapidité des réactions (lors du sauvetage du Remo) sont filmées avec cette constante fascination pour l'évolution des corps dans l'espace. Car le cinéaste y saisit la découverte de l'inconnu par un émerveillement perpétuel devant l'absolue liberté, face à l'immensité de l'univers. Brian De Palma saisit l'émotion la plus pure, la plus authentique, la plus humaine et ses lents mouvements de caméra se doivent de la capturer et de la diffuser, afin de donner vie et substance à Mars, à l'espace, et à faire de ses personnages des êtres humains qui alternent avec humanité et courage, l'héroïsme et l'intimisme.
Le cinéaste sait que c'est par l'intensité du regard que se traduit le mieux la découverte de l'inconnu. Par conséquent, afin de traduire cette vision unique, devant la magie et le mystique, Brian De Palma s'attarde longuement sur tous les regards, celui amoureux de Terri pour Woody et inversement, celui de Jim émerveillé par la foi en sa mission. Brian De Palma déclara dans la revue Cahiers du Cinéma lors de la sortie du film (*4): "Ce que j'ai essayé de restituer dans Mission to Mars, c'est montrer qu'il y a quelque chose de magique dans ce qu'ils ont vu (les astronautes) et faire vivre au public une expérience qu'il n'a jamais eu l'occasion de vivre."
Si le cinéaste sait traduire la contemplation devant l'immensité, il représente également le danger devant une nature qui peut également être hostile à celui qui la découvre et la pénètre. C'est précisément le cas avec la première mission, décimée par un vortex géant. C'est aussi la puissance sans limite aucune de l'espace; Woody ne pourra plus rejoindre ses compagnons car sans carburant pour la propulsion de son scaphandre, il est condamné à errer sans fin. Brian De Palma nous propose une réflexion sur la capacité de l'homme à s'intégrer à un nouvel environnement, sa manière de se comporter avec l'inconnu, les multiples possibilités qui s'offrent à lui, afin d'appréhender le contexte, autant la vie à bord de la navette spatiale, et ce souci permanent du cinéaste pour être réaliste (il a travaillé en étroite collaboration avec la NASA) que face aux longs déserts martiens ou bien rencontrant la mythologie martienne. Les personnages de Mission to Mars cherchent à perpétuer et à préserver la beauté de la planète en la foulant et en la chérissant. Il n'y a nulle envie de bafouer, juste le désir d'admirer et de s'acclimater à un environnement souvent hostile. Car c'est par l'oxygène diffusé par les plantes qu'a pu survivre Luke (le rescapé de la première mission) pendant plusieurs mois sur Mars. Brian De Palma déclara toujours dans Cahiers du Cinéma (*5): "2001 (de Stanley Kubrick) est un grand film très froid, très élégant, abstrait et symbolique avec une mystique très profonde dont le sens est difficile à découvrir. Mission to Mars est plus simple et plus humain. Et puis Kubrick est davantage intéressé par le combat de l'homme contre la machine alors qu'ici c'est vraiment l'homme contre un territoire inconnu (…)."
En utilisant le plan-séquence lors du générique, le cinéaste a su trouver la technique nécessaire à l'expression des astronautes qui discutent entre eux, plaisantent et confient leurs angoisses et leurs rêves. Cette figure de style est la plus appropriée à rendre cet instant car elle s'inscrit dans la continuité, dans le temps long et permet une présentation des personnages qui sait éviter toutes les formes de clichés ou de catalogages. L'union intime entre la mouvance des corps lors de la scène de danse et l'expression visuelle par de très longs plans en apesanteur permet également de traduire la fluidité et le temps qui s'éternise, la joie qui déborde sur les angoisses. De même lors du sauvetage du Remo, où le cinéaste multiplie les travellings circulaires et latéraux en plongée et en contre-plongée, autour, le long et entre les personnages. Le montage se refuse à toute forme d'empressement. Il y a l'idée du calme relatif, de la léthargie contemplative, de la fascination et de l'émerveillement.
De même, lors de la rencontre avec la Martienne, autant la musique que la caméra ne cèdent à la précipitation. Quelques notes, un très lent panoramique qui épouse le regard des astronautes, une première apparition par une ombre projetée sur la planète Mars puis l'apparition par touches suggérées. Brian De Palma poursuit l'entretien (*6): "Je voulais qu'elle ait de grands membres et qu'elle bouge sans qu'on perçoive ses mouvements. Qu'elle ait un mouvement déstructuré et qu'elle ressemble à une gardienne de tour. Je ne voulais surtout pas que l'on masque qu'il s'agit d'une création digitale car cette créature est une projection. (…) C'est une pure créature digitale, une projection qui n'a rien de réaliste. Toute la scène du planétarium est une projection. C'est un grand show tels que les personnages l'imaginent. Rien d'autre. Un spectacle dont ils sont les spectateurs."
L'analogie entre l'illusion de la première image (la petite fusée) et la projection du planétarium est l'aboutissement des rêves de l'enfance. De même que le vaisseau à bord duquel Jim s'est embarqué lors de la dernière image et qui passe juste devant la navette, est la reprise de la première. Entre temps beaucoup d'aventures, de découvertes et d'émotions auront traversé l'esprit de chacun des personnages. L'aventure humaine d'une équipe d'astronautes, pionnière, se traduit par la poétisation d'un univers technologique déshumanisé (la navette) et par le merveilleux de la fable utopiste du planétarium. L'émotion est omniprésente tout au long de ce film, mais les personnages ne sont nullement des émotifs. Ce sont des idéalistes qui travaillent à l'accomplissement de leur mission tout en se nourrissant de leurs rêves. En ce sens, il n'y a aucun sentimentalisme dans Mission to Mars, uniquement l'émotion qui caractérise tout l'équipage. Le personnage de Woody a lu depuis son enfance une quantité d'ouvrages sur Mars et vit dans une mythologie. Jim ne rêve d'aller sur Mars que pour retrouver sa femme. Tous sont hantés par cette projection de fantasmes dont nous parle le cinéaste dans l'entretien accordé aux Cahiers du Cinéma, en même temps qu'ils doivent gérer une quantité inestimable d'informations.
THE END
Mission to Mars n'est pas un film de science-fiction au sens étymologique du terme. Au travers de l'aventure pionnière de ces hommes et de cette femme, Brian De Palma nous parle essentiellement de l'amour et de l'enfance en alliant le réalisme documentaire des deux premières parties du film et la fable humaniste de la dernière partie qui est la représentation des rêves de l'enfance. La contemplation d'un univers par le regard préservé du cynisme de l'équipage qui ne cesse de croire en son idéal, la fascination exercée par l'inconnu, ne cessent de traduire l'union amoureuse qui est le thème central du film. Comment un homme amoureux va-t-il rejoindre à l'autre bout de l'univers sa femme disparue. Celle qui a nourri sa conviction et consolidé son courage afin de se battre pour mener à son terme les préparations de la mission, celle qui a fait de lui un homme qui croit en sa foi, en son idéal. La beauté de regards qui s'échangent, la perpétuation d'une croyance, la métaphore cinématographique la plus absolue, la plus "parfaite" pour traduire le rêve, les aspirations, les désirs. Mission to Mars est un film sur la vie, sur l'absolue nécessité d'aimer pour grandir, créer et perpétuer. Longtemps Brian De Palma nous hantera par ses longs plans contemplatifs sur l'immensité et l'inconnu, mais aussi par sa représentation par le regard de la souffrance, du désir et de l'émerveillement à chaque instant, de la beauté de l'inimaginable. Car représenter l'inimaginable, c'est avoir su comprendre et saisir toute l'absolue nécessité de faire de l'image cinématographique le miroir de nos fantasmes. En ce sens, la splendeur éternelle de Mission to Mars est notre reflet à tous.